La question de la place de l'individu posée dans la sociologie durkheimienne peut présenter un problème de compréhension de prime abord : comment peut-on être individualiste et prétendre que l'individu est un produit de la société ? Comment concilier le holisme méthodologique et la défense de l'individualisme ? Comment considérer que « l'individu n'a pas de réalité propre» et promouvoir parallèlement l'individualisme ?
Pour répondre à ces questions, nous présenterons justement l'analyse sociologique cherchant à construire cette discipline comme une science incontestable et légitimée, et rejetant les approches par la psychologie individuelle, par la biologie, ou trop marquées par le déterminisme historique… Nous prendrons soin de présenter la manière dont Emile Durkheim a mené son analyse, en faisant de la sociologie une science étudiant des objets appelés « faits sociaux ». Cette étude satisfait à des règles très précises que l'auteur aura à cœur de préciser dans son second ouvrage majeur : Les règles de la méthode sociologique paraîtront en 1895.
Nous étudierons ensuite Le suicide. Etude de sociologie, paru en 1897, en tant qu'exemple, application des Règles de la méthode sociologique et modèle causal complexe.
Nous montrerons que, malgré cette approche ignorant apparemment l'individu et niant son influence sur la société, il est possible de lui attribuer une place de choix à savoir l'objet de culte de la « religion de l'Humanité » (Les intellectuels et l'individualisme, 2 juillet1898).
Nous n'oublierons pas de situer cela dans le cadre de la morale et de la réforme sociale de l'époque.
[...] Ainsi, la publication de sa thèse De la division du travail social en 1893, établit un fil conducteur qui restera présent dans la suite de la réflexion de Durkheim. Il y étudie le rapport entre l'individu et la société, ou, comme l'a formulé Raymond Aron, comment une collection d'individus peut former une société Dans De la division du travail social, DTS, p Durkheim s'interroge : comment se fait-il que, tout en devenant plus autonome, l'individu dépende plus étroitement de la société ? [...]
[...] Le droit y est donc restitutif et les peines plus douces. Mais Durkheim prend soin d'indiquer que le rapport entre les affaires humaines et la transcendance ne disparaît pas avec l'effacement du religieux dans la société moderne : en effet, une sorte de transcendance demeure avec le culte moderne de la personne humaine. Notons que Durkheim distingue deux mondes Le premier fait référence à la vie quotidienne, à l'activité économique : c'est le monde profane. Dans le second monde, celui du sacré, l'association des individus en groupe les conduit à faire des choses exceptionnelles et très éloignées de ce qui peut être vécu dans la vie quotidienne. [...]
[...] Cela empêche toute divergence entre la conscience individuelle et la conscience collective. La conscience collective est l' ensemble des croyances et des sentiments, communs à la moyenne des membres d'une société, formant un système déterminé qui a sa vie propre Pour Durkheim, elle est le produit de la fusion des consciences individuelles et désigne la spécificité du social, c'est-à-dire sa capacité à s'imposer aux consciences individuelles. Cela va loin car qui dit fusion sous-entend disparition absorption de la conscience de l'individu par la société. [...]
[...] Le fait social devient pathologique lorsqu'il s'écarte de cette constante. On voit là encore que toute intervention individuelle est sans effet, et même volontairement écartée de l'analyse. Il convient ensuite, selon Durkheim, d'établir une typologie des sociétés appelées types sociaux, puis d'adopter une démarche comparative pour voir si le même fait social se retrouve partout. Autre impératif : les règles d'administration de la preuve. La sociologie passe par l'établissement de lois et de rapports de causalité. Pour prouver quelque chose en sociologie, il faut qu'un fait social (un même effet) soit toujours expliqué par la même cause, dans tous les types sociaux. [...]
[...] [Suicide, p. 223]. Il montre en effet, par la méthode des variations concomitantes que les célibataires, isolés des liens familiaux se suicident principalement aux beaux jours, quand les relations et les fêtes de famille sont plus intenses. Les protestants, eux, se suicident plus que les autres pratiquants, car, étant considérés comme responsables de leurs actes et n'ayant aucune possibilité de pardon, ils sont plus exposés au sentiment d'isolement (suicide égoïste). Le deuxième cas produisant un suicide pathologique est celui d'une société incapable de produire des normes qui freinent, régulent les passions humaines : c'est le suicide anomique ; l'anomie est alors définie par le mal de l'infini Les désirs deviennent insatiables : Ainsi, plus on aura et plus on voudra avoir, les satisfactions reçues ne faisant que stimuler les besoins au lieu de les apaiser. [...]
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