L'incivilité révèle-t-elle un phénomène social nouveau ou bien est-ce un phénomène plus ancien qui prend simplement de nouvelles formes ? Assiste-on à l'émergence d'un nouveau phénomène ou bien est-ce le regard de la société qui change ? Les incivilités traduisent-elles un nouveau conflit social ? Doit-on assimiler ces manifestations banales de transgression, d'insolence ou de grossièretés à une réelle rupture du lien civil ?
[...] Mais en même temps, ces jeunes se heurtent à des manifestations de ségrégation et de racisme. C'est tout le paradoxe de nos sociétés que de lier culture de masse - soit l'accès de tous à des modèles de vie et de consommation - et exclusion d'une partie de la population (surtout les jeunes peu qualifiés et en échec scolaire). La volonté d'intégration irréalisable peut alors se muer en violence dés lors que ces personnes découvrent que société ne veut pas d'eux”. [...]
[...] De plus en plus souvent, les incivilités sont ainsi vécues par la population comme une rupture radicale du lien social. Introduisant l'incertitude au cœur de la vie sociale, elles participent du sentiment de la disparition des repères. Pour que nous nous sentions en sécurité, il faut que nous puissions croire que les gens que nous croisons auront un comportement prévisible, qu'ils se conformeront aux formalités de base de la vie en société Cette lecture éthologique explique comment se forme la géographie de la dangerosité d'une ville. [...]
[...] Augmentation du sentiment d'insécurité L'ordre public se loge dans le respect des interactions de civilité (politesse, déférence, respect d'autrui), dans la manière de négocier l'entrée en relation avec autrui, bref dans l'affichage du caractère pacifique de la personne. En détruisant les rituels interpersonnels que les individus utilisent d'habitude pour tenir autrui à distance et pour s'assurer réciproquement de leur innocuité, les incivilités menacent donc chacun. Le défaut de politesse va ainsi valoir comme avertissement : il permet d'anticiper un danger. A travers les incivilités, ce sont les codes élémentaires de la vie collective qui ne sont pas respectés : on peut donc tout craindre d'autrui. [...]
[...] La crise de la civilisation ? On reconnaît ici le thème politique de la décadence cher à l'extrême droite. Mais il existe aussi un versant psychosociologique hérité du sociologue allemand Norbert Elias (1887-1990) et remis au goût du jour il y a une quinzaine d'années en France par Hugues Lagrange et Sébastien Roché. A partir de 1970, tant en Grande Bretagne qu'aux Pays-Bas ou en France, pour ne pas parler des Etats-Unis où le fait est encore plus visible, la violence remonte en flèche, les rapports sociaux se font de plus en plus âpres, les autocontraintes reculent, les individus se croient de plus en plus autorisés à placer leur bénéfice personnel au-dessus du bien commun. [...]
[...] - La civilité à l'épreuve : crime et sentiment d'insécurité, Lagrange Hugues, PUF Revue française de Sciences-Politiques, avril N°2. - La ségrégation spatiale provoque les violences urbaines Marie-Pierre Subtil, Le Monde avril 2000. [...]
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