L'environnement social japonais peut être symbolisé par deux cercles concentriques. Le cercle intérieur peut être nommé uchi (le foyer), et le cercle extérieur « soto » (extériorité), pour reprendre la dichotomie utilisée par Eric Seizelet (2008). Le premier est l'univers de la communauté, du groupe, le second l'univers extérieur à la communauté, au groupe.
Au sein de l'« uchi », le cercle intérieur, les relations humaines sont si intimes que l'on peut dire qu'il n'y a pas de réelle opposition entre les gens, et qu'ils peuvent compter les uns sur les autres. Si cela peut paraître naturel pour les gens d'une même famille aux yeux d'un Occidental, cela ne l'est plus pour les gens d'une même compagnie, a fortiori s'il s'agit d'une relation hiérarchique. Pourtant, les relations personnelles entre supérieurs et subordonnés dans une entreprise japonaise sont censées être, plus encore qu'amicales, des relations d'ordre quasi parental (Komiya 1999).
[...] Le mot soto est lui souvent utilisé au sens de l'extériorité Nobuo Komiya qui dresse également le constat de cette dichotomie (1999) utilise lui aussi le terme d'uchi, mais ne l'oppose pas à soto mais à yoso l'altérité Cela renvoie à la tradition japonaise de l'exclusion du village, mura-hachibu (référence). Il s'agit du même esprit que celui du bannissement, une peine sévère qui a prospéré de longs siècles au Japon. La mesure de mura-hachibu consiste en la rupture de relation de tous les villageois avec le coupable (à la lettre, de 80% des relations : le coupable peut ainsi venir à deux événements majeurs du village sur dix, par exemple). Cette forme d'ostracisme n'est pas encore totalement éradiquée dans le Japon contemporain. [...]
[...] On peut également émettre l'idée que les entreprises, qui consacrent tout de même un budget conséquent pour ces postes, cherchent à reproduire, dans un lieu du soto un magasin, la sécurité ontologique de l'« uchi Cela présente un intérêt évident dans l'influence positive de l'état d'esprit du client à laquelle tend toute boutique. Une résolution des conflits en interne Comme nous l'avons vu, l'univers de l'« uchi peut être compris comme une quasi-communauté. Attention cependant de ne pas en avoir une vision trop positive, il ne s'agit pas d'un paradis. L'interaction complexe entre le donneur de giri et le receveur de giri cause parfois des tensions et du ressentiment, car la récompense donnée au second est à la totale discrétion du premier. [...]
[...] Giddens, pour Nobuo Komiya, la sécurité ontologique au sein de l'« uchi peut être comprise comme le fruit d'un engagement total dans des relations locales : au Japon, les relations de confiance sont encore basées sur la localité Il n'y a par exemple rien d'extraordinaire, au contraire qu'au Japon un travailleur qui buvait un verre avec ses collègues chaque soir après le travail ne leur donne ensuite plus signe de vie une fois retraité. Nous reviendrons plus tard sur cette notion de localité. Merci Bienvenue Au Japon, on peine d'abord à s'expliquer à quoi servent ces armadas d'employés, dans les magasins, dans les cafés, dans les banques, chez le dentiste, dans les cinémas, bref, partout, juste payés pour répéter irraishaimasse (bienvenue) à l'entrée, et arigato gozaimashita (merci) à la sortie (Poupée 2008). En fait, selon Karyn Poupée, c'est utile, parce que la confiance, la bonne ambiance, la satisfaction et la sécurité s'ensuivent. [...]
[...] L'application elle-même du giri est invisible pour sa plus grande part. La manière dont elle se fait est très subtile et élaborée. Bien qu'accomplir le giri soit un acte volontaire, les Japonais sont fortement incités à agir implicitement Le giri crée une relation de dépendance L'attente de la sécurité ontologique en retour Comme suggéré plus haut, le giri est une sorte de fardeau sans fin. Cependant, ceux qui font leur giri peuvent s'attendre à quelque chose en retour (Reischauer 1980). [...]
[...] Il est important de noter que cette tierce personne doit appartenir au même univers de l'« uchi que les parties en conflit. En résumé, et c'est un point important, le conflit trouve sa résolution en interne ; celle-ci n'est basée que sur des mécanismes internes à l'univers de l'« uchi Ceci s'explique par la volonté de résoudre le conflit tout en restaurant l'harmonie de la relation uchi. L'intervention d'une autorité judiciaire basée sur des normes universelles n'est donc pas préférable. [...]
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