À bien des égards, il persiste aujourd'hui des représentations masculines dévalorisant considérablement la femme, en dépit d'une conquête de l'espace public par le féminisme. La logique de réconciliation apparente entre le féminin et le masculin n'est pas universelle et achevée. L'arbitraire d'un système masculin domine encore, bien qu'il soit inapparent.
Ainsi, en est-il de toute idéologie dominante. Celle-ci désigne la représentation faussée du monde que la classe dominante impose dans son propre intérêt à la classe dominée, en croyant éventuellement qu'elle correspond à la réalité. L'idéologie devient ainsi une sorte de mensonge collectif plus ou moins involontaire, provenant d'une ignorance de la détermination des superstructures intellectuelles et spirituelles par l'infrastructure économique. Elle couvre tous les domaines de la pensée qui ne font rien de plus que de la diffuser au maximum en s'aidant éventuellement de certaines institutions ou appareils idéologiques d'État.
C'est pourquoi il faut concevoir le problème sous le prisme de la question de la production, qui tout en construisant l'idéologie, assure une assise de la domination masculine. Ainsi, en quoi l'idéologie dominante est-elle masculine ? Les représentations de la réalité participent-elles à la promotion d'une logique de supériorité de l'homme sur la femme ? Cette dialectique des genres n'est-elle pas réversible ?
Il s'agit donc de savoir si les rapports sociaux se soumettent à la force inexorable de la domination masculine, diffusée à partir d'un système de production et de reproduction scientifique d'un ordre social.
[...] Néanmoins, ces deux féminismes sont l'expression d'un retour réflexif sur la production de la sujétion féminine. Le travail transcendantal décryptant les conditions de diffusion de l'idéologie dominante, permet de passer à une étape critique et constructiviste qui concourt à déconstruire systématiquement la socialisation du genre. La préoccupation féministe concerne surtout le travail analytique de distinction entre sexe et genre, si bien qu'il permet d'expliquer la dénaturalisation de la subordination sociale, politique et matérielle de la femme. La quête de liberté et de droit se poursuit en France par l'exigence juridique de la parité en 2000 dans la représentation politique. [...]
[...] Dès lors, ce qu'était mouvement féminin pour une reconnaissance de l'identité civile et politique, devient une pensée du féminisme comme paradigme scientifique et sociologique visant à révéler les formes de la domination masculine. Le projet existentialiste de Beauvoir prétend à une construction de la féminité par elle-même. Ainsi, il prône une entrée de la femme dans l'histoire, dépourvue des structures idéologiques de l'homme. Le féminisme se définit alors comme la dialectique du genre : à une histoire toute masculine, les féministes vont procéder à un démantèlement des représentations masculines, notamment patriarcales, qui perpétuent une hégémonie injuste de l'homme sur la femme. [...]
[...] Mais combien d‘autres femmes, l‘histoire n‘a-t-elle pas exclus ? La domination masculine est donc nécessairement historiographique : elle écrit l‘histoire, elle la façonne à la réalité sociale qu‘elle impose et qu‘elle renouvelle constamment par la stratégie de l‘exclusion systématique du jeu politique. Ainsi, la femme perd son individualité d‘être social et public. La Révolution de 1789, et les autres qui suivront en 1830 et 1848 ne sauront que des moments d‘espoirs, des utopies qui se solderont par la réitération d‘une exclusion politique et civile : les femmes sont bannies de toutes instances de représentation républicaine. [...]
[...] Car l'exclusion féminine de la politique ne peut se comprendre qu'à la lumière de cette construction idéologique de la réalité sociale en une altérité indépassable et irréductible entre deux genres, que le féminisme, sorte de panacée contre- idéologique, tentera de dépasser par une explication matérialiste et différentialiste de la domination. L'évidence de la domination de l'idéologie masculine se déploie dans l'Histoire. Ainsi, celle-ci est entendue comme le lieu de l'écriture du passé à tonalité masculine. L'Histoire des peuples et des civilisations est une production masculine, en ce sens qu'elle est le résultat d'une historiographie des événements politiques et sociaux faite par des hommes, et excluant par essence les femmes de la dynamique historique. [...]
[...] Mais il n'en est rien. Les discours anti- féminins n'auront pour but que de reproduire une discrimination séculaire, qui se matérialise dans une inégalité profonde : les femmes ayant considérablement collaboré à certains événements ne seront à peine citées par les historiens, oubliées dans un passé indésirable, irréconciliable avec le postulat de la supériorité de l'homme. Là encore, ce sont des discours naturalistes qui justifient ce rejet : l'ordre des choses et l'ordre naturel imposent une hiérarchie humaine. Ainsi en est-il du discours du citoyen Amar, qui en réponse aux propositions et à l'action d'un groupe de femmes engagées politiquement, les Citoyennes Républicaines, en invoque aux injonctions de la Nature sur l'humanité. [...]
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