Homme-culture femme nature, Nicole-Claude Mathieu, 1973, féminisme, deuxième vague, questions de genre, rapports sociaux, méthodes de l'ethnologie, représentations du monde, dichotomie sexuelle, commentaire de texte
Aujourd'hui devenue l'une des plus grandes références intellectuelles de son domaine, Nicole-Claude Mathieu est l'une des théoriciennes fondatrices du mouvement féministe français de la deuxième vague. Elle interroge les perspectives de genre en questionnant les cadres dominants de la pensée. De par son double bagage disciplinaire en sociologie et ethnologie, Mathieu ouvre les champs des interprétations et des analyses concernant le genre. Mais avant de s'interroger sur les questions de genre, l'autrice met un point d'honneur sur la définition des sexes et les rapports sociaux de sexe. Sa curiosité intellectuelle la conduit à remettre en question les prédits sexués normalisés. Par une approche socioculturelle et sociopolitique du féminisme, Mathieu interroge l'épistémologie du sexe, ses significations en société et sa naturalisation.
[...] L'idée de l'homme-culture L'idée de l'« homme-culture » évoquée par l'autrice provient d'une association que l'on ferait en rattachant les hommes à la parole, par conséquent, en les rattachant aux milieux politiques, et donc à la capacité de créer une société. Les hommes seraient plus ouverts sur l'extérieur et plus enclins au discours. Ardener appuie cette idée dans ses travaux, et qualifie les hommes de « articulate », désignant la bonne capacité de verbalisation qu'auraient les hommes par opposition aux femmes, considérées quant à elles de « inarticulate », à savoir inapte au discours et à la parole. Les femmes seraient, à nouveau en opposition aux hommes, enfermées vers l'intérieur de par leurs occupations domestiques et leur fertilité. [...]
[...] Ainsi, leur pensée apparaît comme une vérité à laquelle les femmes ne pourraient que croire. Nicole-Claude Mathieu affirme qu'il n'y a donc selon elle pas de « problème des femmes ethnologues », mais seulement un problème de discours général et de mise en place sociale. Le problème ne réside pas tant dans l'émetteur du discours ethnologique, ici les femmes, que dans la configuration et l'organisation de nos sociétés. Selon elle, parler des hommes et des femmes en tant que deux catégories de sexe distinctes entrainent des distorsions dans la description des faits, et donc des incohérences. [...]
[...] Ardener va cependant ajouter une nuance et se défaire de cette analyse en définissant la vision féminine du monde de par la biologie et la vision masculine du monde de par le sociologique. Mais la conclusion de cette nuance reste inchangée : l'homme est dans la culture, sa dominance politique apparaît donc comme une caractéristique biologique. Il serait donc évident pour les hommes d'être « articulate » et de créer de représentations du monde. II. Des femmes biologiquement naturelles Les femmes, au contraire, seraient biologiquement naturelles. Ainsi, elles ne seraient pas capables de différencier la société de la nature. [...]
[...] La référence immédiate à la biologie des sexes empêche de mener les études ethnologiques dans leur entière complexité. Vouloir restituer la parole aux femmes, aux « inarticulate », c'est omettre le contexte social et les réels enjeux qui se cachent derrière ces affirmations. Ainsi, Nicole-Claude Mathieu met un point d'honneur sur le sens dans lequel Ardener choisit d'explorer le « problème des femmes ». Partir du postulat que les catégories de sexe sont déterminables selon un « côté culture » et un « côté nature » empêche d'élargir la recherche ethnologique. [...]
[...] Cette approche enferme davantage encore les femmes dans une boucle de non-verbalisation erronée. L'ethnologue doit avant tout, pour mener à bien son étude, savoir ce qu'est une femme et ce qu'est un homme dans la société qu'il étudie. Nicole-Claude Mathieu propose donc de définir les catégories de sexe « par » et « dans » leur relation. Ainsi, on examinerait les rapports de pouvoir entre hommes et femmes dans ladite société afin d'explorer avec plus d'objectivité scientifique ce « problème des femmes » qui ne « parlent pas ». [...]
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