Le raisonnement de Hobbes est tellement différent de celui d'Aristote que l'on peut, sans simplifier à l'excès, distinguer dans l'histoire deux univers de raisonnement et deux espaces du politique : les anciens qu'exemplifie la figure d'Aristote, et les modernes. Nous vivons dans un monde politique qui a été d'abord pensé par Hobbes (Locke et Rousseau s'inscrivant très directement dans ce cadre même s'ils le contestent parfois violemment) avant d'être mis en oeuvre dans les faits à partir de 1789 (...)
[...] Quelles sont donc ses propriétés ? 1. Les sujets politiques ne se trouvent pas dans la nature : ils sont des êtres artificiels. Le sujet n'est pas du côté de la personne individuelle. Il est une auto-création de ceux qui y sont inclus. Cet acte d'institution les fait pénétrer dans un ordre de réalité autre que la réalité naturelle : ce que nous appelons la subjectivité. En mettant en scène un décalage entre deux ordres de réalités : les personnes individuelles naturelles et la personnalité collective politique, Hobbes inaugure le problème politique propre à la modernité, l'ajustement et l'alignement des deux personnes et des deux ordres de réalité. [...]
[...] Cette loi naturelle est donnée à l'homme par Dieu : elle est nécessaire, mais, évidemment, nullement suffisante. Elle exige impérativement pour produire des effets le contrat et le pouvoir par lesquels est engendré le LÉVIATHAN. Or, l'application de ces deux moyens pose à Hobbes des problèmes théoriques redoutables. Il doit s'y reprendre à trois fois ( 1651) avant d'arriver à une solution qui le satisfasse. Il bute en fait sur deux obstacles principaux : 1. L'obstacle du transfert du droit de nature. [...]
[...] Le concept de sujet nous permet de rendre compte d'une réalité dont la subjectivité et l'individualité individuelle ne sont que des cas particuliers. Nous pouvons évidemment critiquer les métaphores utilisées par Hobbes : un homme collectif artificiel, individu collectif, une personne. Mais nous risquons de rater le plus important : les propriétés de cet être dont le concept doit rendre compte. En partant de ce point de vue, on réalise la nouveauté extraordinaire de la figure proposée par Hobbes : un soi collectif (un moi commun écrira Rousseau, un siècle plus tard). [...]
[...] Elle est une création de l'homme que Hobbes dote ainsi d'un pouvoir extraordinaire d'engendrement. : Le seul moyen d'établir pareille puissance commune, capable de défendre les humains contre les invasions des étrangers et les préjudices commis aux uns par les autres et, ainsi, les protéger de telle sorte que par leur industrie propre et les fruits de la terre, ils puissent se suffire à eux-mêmes et vivre satisfaits est de rassembler toute leur puissance et toute leur force sur un homme ou sur une assemblée d'hommes qui peut, à la majorité des voix, ramener toutes leurs volontés à une seule volonté ; ce qui revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée d'hommes, pour porter leur personne ; et chacun fait sienne et reconnaît être l'auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leur personne, et relevant de ces choses qui concernent la paix commune et la sécurité ; par là même, tous et chacun d'eux soumettent leurs volontés à sa volonté, et leurs jugements à son jugement. [...]
[...] C'est donc un pouvoir vide ! Qu'est ce qu'un Etat 9 qui ne peut pas compter sur la mobilisation active de ses membres au delà d'une non-résistance passive ? Le moyen de transférer un droit défini comme inaliénable pose un problème en apparence insurmontable pour cet auteur d'une rigueur intellectuelle impitoyable L'obstacle que constitue la double séquence du pacte, un pacte d'union et un pacte de soumission. Etant donné l'état de guerre naturel, comment penser ce pacte sans présupposer le résultat du pacte : en effet, l'union présuppose la soumission et la soumission présuppose l'union. [...]
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