Le lien entre pouvoir et grève semble aisé à établir, comme en témoigne l'expression 'pouvoir de nuisance' pouvant désigner par exemple le fait qu'une grève des chauffeurs de bus force les usagers à trouver des moyens de transport alternatifs ou que, sans la grève, les patrons ne changeraient rien aux conditions de travail (ce qui reste l'objectif premier d'une grève). Cependant relier grève et violence symbolique semble moins évident, du fait même du caractère invisible de la violence symbolique. On peut se demander dans quelle mesure la violence symbolique permet-elle de rendre compte du phénomène multiforme de la grève. Nous aborderons cette question en évoquant les situations où la lecture en terme de violence symbolique se révèle pertinente comme celles où d'autres approches sont nécessaires
[...] C'est à travers les concepts de pouvoir et surtout de violence symbolique que nous tenterons d'analyser ces mutations organisationnelles. On peut reprendre pour le pouvoir la définition interactionniste de Dahl qui le décrit comme la capacité de A d'obtenir de B qu'il fasse une action y à laquelle il ne se serait pas résolu sans l'intervention de A. Quant à la violence symbolique, elle renvoie à l'un des outils conceptuels qui traversent l'œuvre de Pierre Bourdieu : la violence symbolique est cette forme particulière de contrainte qui ne peut s'exercer qu'avec la complicité active ce qui ne veut pas dire consciente et volontaire de ceux qui la subissent et qui ne sont déterminés que dans la mesure où ils privent de la possibilité d'une liberté fondée sur la prise de conscience définition que le sociologue complète par le fait que cette contrainte tacitement consentie s'exerce nécessairement toutes les fois que les structures objectives rencontrent des structures mentales qui leur sont accordées. [...]
[...] Bourdieu suggère cependant que la violence symbolique se voit dans le geste même par lequel elle s'exerce, prenant comme exemple le don et la générosité qui se transforment en astreinte lorsque le bénéficiaire se sent l'obligé du donateur. Par conséquent, l'application et le maniement de ce concept sont délicats et contre-intuitifs puisque l'étude de la grève à travers la violence symbolique oblige à s'interroger sur ce qui va de soi dans la grève. Dès lors, décrire la violence symbolique, c'est par la même occasion l'analyser. [...]
[...] Cela permet d'intégrer la violence symbolique (une ressource mobilisable parmi d'autres) dans un cadre plus général (celui du pouvoir conféré par les ressources). - Néanmoins, il reste difficile de savoir comment va s'établir in fine le bilan des forces du fait de leur nature hétéroclite parfois incommensurable la sociologie de l'action d'Alain Touraine - la sociologie de l'action d'Alain Touraine étudie les mouvements sociaux comme conjonction de 3 éléments : un acteur de classe (principe d'identité), un adversaire de classe (principe d'opposition) et un enjeu (principe de totalité). [...]
[...] - La violence symbolique réside cette fois donc dans le fait que le spectateur devient acteur en exprimant ses bons (ou mauvais) sentiments à l'égard des grévistes lors de sondages, plutôt qu'il ne choisit l'option NSP II. Mais son usage, délicat, doit être complété A. Limites de cette approche 1. une vision trop stratégique de la grève - Le problème principal d'une vision trop centrée sur la recherche de la violence symbolique est le risque de passer à côté des évidences, à trop rechercher les stratagèmes élaborés pour tromper la vigilance des autres acteurs. [...]
[...] La grève canalisée par le droit devient par certains aspects un devoir, car un droit formulé en creux (tout ce qui n'est pas interdit est autorisé) - Le fait d'édicter des règles du jeu pour la grève et leur acceptation, souvent implicite, sont constitutifs de la violence symbolique. - De ce point de vue, la lecture de la fiche concernée à la grève par service-public.fr[4] se révèle tout à fait instructive. Elle opère en effet une dichotomie normative entre grève licite et grève illicite[5] que l'on peut traduire par la bonne grève c'est à dire tant sur le plan juridique que sur le plan social, contre la mauvaise grève illégitime. [...]
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