Depuis des années les époux Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot étudient un domaine peu exploré de la sociologie : la haute société. Ces deux chercheurs sont les spécialistes dans ce domaine où ils ont été les pionniers. Ils sont tous deux issu de milieux différents de leur objet d'étude. Michel Pinçon vient d'une famille ouvrière tandis que Monique Pinçon-Charlot trouve ses racines dans la petite bourgeoisie de la Loire.
Dans les années 1970 ils appartiennent au courant de la sociologie urbaine marxiste qui analyse et dénonce les effets ségrégatifs des politiques de planification de l'habitat, qu'il s'agisse de la rénovation urbaine, ou de la production des grands ensembles périphériques, qui éloignent les populations modestes des lieux de la consommation collective.
Ils étaient jusqu'à présent directeurs de recherche au CNRS et travaillaient au laboratoire CSU (Cultures et Sociétés Urbaines) au sein de l'Institut de Recherche sur les Sociétés Contemporaines (IRESCO), la sortie du livre étudié ici coïncidant avec leur départ à la retraite.
Selon eux, songer à une évolution de la société française actuelle qui est profondément inégalitaire est impensable sans comprendre le fonctionnement de ce qui est sans doute la dernière « classe sociale » à part entière : la grande bourgeoisie, c'est-à-dire « l'Aristocratie de l'argent ». En effet on peut lire, dans Sociologie de la Bourgeoisie : « on ne saurait comprendre la société sans en connaître les sommets ».
Les Ghettos du Gotha, publié en 2007, s'inscrit dans un travail de longue haleine puisqu'il fait suite à une douzaine de livres dont : Dans les beaux quartiers publié en 1989, Grandes Fortunes. Dynasties familiales et formes de richesse en France (1996), Sociologie de la bourgeoisie (2000), tous traitant des grandes familles privilégiées de notre société, qui trouvent leur intérêt dans le maintien du « statu quo ».
Leur dernier ouvrage est principalement axé sur la manière dont la bourgeoisie défend ses espaces et ses privilèges. En effet, les bourgeois sont des militants peu communs qui par leur position sociale, leurs relations, leur fortune savent influencer les décisions politiques en leur faveur.
Il est différentes priorités pour eux dont deux qui semblent fondamentales : préserver l'entre soi, et la pérennité du patrimoine, tant économique que culturel et social.
Ainsi, cet ouvrage se propose d'explorer les domaines dans lesquels est utilisé le pouvoir social de cette minorité de familles, d'expliquer de quelle manière il a été obtenu et par quels biais il est transmis entre les générations. Un autre objectif de ce live a été de mettre en évidence des inégalités et des privilèges, souvent mal connus, et d'en souligner les effets sociaux.
Il semble alors évident que Les Ghettos du Gotha présente un intérêt certain pour l'étude de la société de consommation, profondément inégalitaire, et régie par l'argent. Il permet de comprendre ces inégalités criantes et l'impossibilité d'un changement social vers un système équitable. En effet, comment est-il possible d'envisager une réelle méritocratie (prônée par la droite, elle-même soutenue par ces familles), alors que la classe dominante, et souvent dirigeante, œuvre à protéger ses privilèges qui ne sont dus qu'à la naissance ?
[...] C'est le cas des Champs Élysée, désertés par les magasins de luxe pendant des années. Grâce à la lutte de certaines grandes familles parisiennes, l'avenue a été réaménagée et les grands magasins sont peu à peu revenus. Et même si Quick et Mc Donald sont mal vus, Louis Vuitton a récemment repris possession des lieux après des années d'absence ! Dans le Bois de Boulogne, des Cercles possèdent des concessions qui, malgré des renégociations avec la mairie ont été reconduites. [...]
[...] Les plus modestes (340 euros/mois de loyer en moyenne) sont les HLM, PCL, PLAI et PLUS. D'autres sont plus intermédiaires (696 euros/mois en moyenne), il s'agit des PLI, ILN et PLS. À cela viennent s'ajouter depuis février 2007 les logements en accession à la propriété. Il est alors aisé pour les communes récalcitrantes à la mixité sociale de trier les bons et les mauvais pauvres, d'autant plus lorsqu'on sait, que de nos jours, même les classes moyennes peinent à accéder à la propriété. [...]
[...] Les Français les plus privilégiés font passer pour une faveur le droit d'accéder à la côte, comme si ne pas appartenir à ce milieu était synonyme d'interdiction de côtoyer les beaux espaces naturels de France. Les familles qui concentrent tous les privilèges en ont l'habitude. À l'image des concessions dans le Bois de Boulogne, rien ne leur est refusé. Alors que tout un chacun pique-nique sur les pelouses du Bois, les dominants jouissent d'espaces clos où ils peuvent profiter d'équipements exceptionnels, à l'abri de toute rencontre non souhaitée. [...]
[...] Or, on a bien vu que les grands bourgeois font tout ce qui est en leur pouvoir pour ne pas souffrir la vue de ce type d'équipement. Pour finir, on peut dire que l'analyse du fonctionnement de la grande bourgeoisie permet de comprendre certaines des inégalités criantes de notre société. L'aristocratie et la noblesse n'ont pas disparu. Ils luttent activement pour conserver leurs privilèges et les transmettre aux générations futures. Il apparaît alors utopique de croire à une société équitable dans ces conditions. [...]
[...] On retrouve, dans cet ouvrage, des caractéristiques de la société d'Ancien Régime. En effet, il existe encore aujourd'hui un rapport dominant/dominé, une infime partie de la population imposant sa puissance aux autres. De plus, la société est ouverte à la mobilité sociale lorsqu'on se situe au bas de l'échelle, mais il est inconcevable qu'un fils d'ouvrier intègre un jour un grand cercle parisien ! Enfin, la surconsommation entraine des dégâts sur l'environnement et la santé par l'usage non modéré des ressources naturelles. [...]
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