A première vue, réfléchir au « genre ouvrier » peut sembler quelque peu paradoxal, le groupe social en question, les ouvriers, étant moins neutre que masculin. Le mot ouvrier est spontanément associé à la figure masculine et se définit par rapport à l'usine, par rapport à un travail productif dont les femmes semblent absentes. Or les ouvrières ne sont pas absentes de ce monde du travail.
A travers ces premières remarques se profile un des grands clivages qui régit la distribution sexuée des rôles dans le monde ouvrier : la séparation entre la sphère privée, apanage féminin, et la sphère publique, apanage masculin. Cette séparation implique une division sexuelle des rôles et des espaces, qui s'inscrit dans une conception hiérarchique des rapports entre masculin et féminin.
Dès lors, comment se manifeste la séparation masculin/féminin dans le monde ouvrier ? Quel système de représentations et quels rapports de force soutiennent cette séparation ? Dans ce monde ouvrier, l'homme occupe une position de domination de par son rôle dans la sphère publique : celle du travail, mais aussi celle du temps libre, ce qui confère à l'homme une autorité particulière dans la cellule familiale. Pourtant, c'est dans cette même cellule familiale, origine de la domination patriarcale et même capitaliste, que la femme trouve sa légitimation sociale et exerce un rôle prédominant. Toutefois, il ne faudrait pas se leurrer dans un clivage trop figé entre masculin et féminin : il existe des lieux et des rôles aux « zones indécises » , favorisés notamment par l'impact de 68, sans oublier non plus les autres catégories d'analyse qui rendent impossible l'étude du monde ouvrier uniquement en termes de genre.
[...] Cette image de l'homme travailleur est inculquée aux enfants. D'où le fait que le monde syndical soit dominé par les hommes, qu'il ait mis à l'écart les femmes. Par exemple, lors des grèves ou des occupations, on retrouve une répartition sexuée des rôles et des espaces : ainsi à Sud- Aviation, en une journée, le 14 mai 1968, les hommes rassemblés en une communauté de combat ont abandonné leur monde privé le foyer familial pour un lieu public et professionnel. [...]
[...] Un féminisme diffus se répand à la base, perceptible dans certaines grèves ou dans les structures spécifiques qui existent ici ou là, commissions femmes ou groupes femmes d'entreprises[20] Au-delà du genre Le genre semble donc définir une catégorie d'analyse particulièrement révélatrice des fonctionnements du monde ouvrier où, comme nous venons de le voir, le clivage masculin/féminin est nettement ancré dans les mentalités et les actions des individus. Toutefois, ce clivage perd de sa force face aux stratégies sociétales mises en œuvre à titre individuel ou familial. La hiérarchie sociale au sein de la classe ouvrière interfère constamment avec la hiérarchie sexuelle Par exemple, dans la première moitié du siècle, le mécanicien du chemin de fer, accompagné de sa femme, apparaît comme la figure mythique de l'aristocratie ouvrière. [...]
[...] À partir de là, les femmes occupent bien souvent des métiers dits féminins, justifiant par là même leur dévalorisation. Par exemple dans le textile, travaux et métiers n'entament pas l'identité sexuelle, la mode étant toujours renvoyée au féminin, et les compétences requises étant assimilées à la nature féminine Ainsi aux femmes sont attribués les postes manuels ou à dominante manuelle, requérant dextérité, rapidité, cadence et répétitivité. Aux hommes reviennent les postes d'intervention sur les machines, les postes exigeants force, résistance physique et qualification[14]. [...]
[...] Chaperon, Les années beauvoir : 1945-1970, Paris : Fayard p X. Vigna, L'insubordination ouvrière M. Zancarini-Fournel, Genre et politique : les années 1968 Vingtième siècle. Revue d'histoire, 75, juillet-septembre 2002. p. 141- 142 J.-P. Burdy, M. Dubesset, M. [...]
[...] La loi n'était en effet pas respectée assidûment. Mais force est de constater qu'avant le mariage, quasiment toutes les femmes ont un emploi, et que cette règle devient une exception après le mariage, surtout après la naissance du premier enfant. On retrouve très souvent dans les témoignages de femmes l'absence de la possibilité de travailler : le mari n'a pas voulu, il gagnait un salaire suffisant pour permettre à la femme de rester à la maison et de s'occuper de son ménage. [...]
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