Le Japon est l'objet de la part des Occidentaux de nombre de stéréotypes qui, s'ils sont inévitables et sans doute nécessaires pour appréhender une réalité étrangère, dépassent souvent l'entendement en ce qui le concerne. A nous entendre, ce pays qui n'eut jamais le talent de développer de réelle utopie politique comme sut si bien le faire la Chine de Mao, serait une pure société de consensus, peuplé de droguées du travail dont bon nombre, on peut le comprendre, finiraient suicidés. Ses femmes seraient la soumission même, et il n'aurait découvert la démocratie qu'avec la pression américaine à partir de 1945. Les arguments : Hiroshima, Nagasaki, le bombardement de Tokyo. Le pansement : le général MacArthur.
Il est naturel qu'un réflexe assimilateur veuille nous faire appréhender le Japon selon nos propres critères. C'est hélas dangereux, dans la mesure où cela ne nous permet pas de comprendre ce pays dans sa complexité et sa diversité. A croire qu'il nous serait impossible d'envisager une véritable altérité. Car enfin, qu'est-ce qui nous déroute dans le Japon au point que nous avons été, selon les époques, tantôt fascinés, tantôt horrifiés – n'est-ce pas au fond la même chose ? – par ses us et coutumes ?
[...] C'est là la vertu libératrice de la crise : voilà qu'elle remet le Japon en mouvement. Phénomène qui échappe aux statistiques macro-économiques, mais qui voit glisser très rapidement la créativité des grands groupes industriels vers la périphérie. Une nouvelle chance pour les ingénieurs talentueux. Une évolution plus douloureuse pour les salariés de qualification moyenne. Mais dans le même temps, cette situation nouvelle colle tout à fait aux attentes des jeunes générations. Ces dernières considèrent l'entreprise comme un ensemble de contraintes n'apportant pas de sécurité de l'emploi, constitutives d'une société polarisée entre gagnants et perdants. [...]
[...] La question de leur identité préoccupe beaucoup les Japonais. La littérature abonde sur le thème Qui sommes-nous ? faisant souvent preuve d'un narcissisme rare. Mais la société nippone est complexe, diversifiée, mobile, traversée de tendances contradictoires. Il suffit pour s'en apercevoir de prendre le métro de Tokyo et de passer d'un quartier à l'autre : vêtements et langages évoluent de manière très marquée entre le centre et les banlieues. On peut souligner également l'importance des apports régionaux. Les Tokyoïtes, qui se considèrent cultivés et raffinés supportent mal les habitants d'Osaka, considérés comme des commerçants tournés vers une réussite sociale dont l'argent serait le seul moteur. [...]
[...] Faire patienter les clients dans les maisons de plaisir. Les lieux dédiés au plaisir étaient jadis concentrés dans le même quartier d'une ville : Shitamashi dans l'ancienne Edo Asakusa aujourd'hui, détrônée par Kabukichô au nord de Shinjuku et Gion et Pontochô à Kyoto, cœur de la tradition. Ces quartiers réservés étaient de véritables creusets pour les arts : on y pratiquait notamment l'estampe et le théâtre. Populaires, énergiques, vivants, ils avaient une image un peu glauque dans les beaux quartiers, mais un public nombreux venait néanmoins, ou justement, s'y encanailler. [...]
[...] Il est naturel qu'un réflexe assimilateur veuille nous faire appréhender le Japon selon nos propres critères. C'est hélas dangereux, dans la mesure où cela ne nous permet pas de comprendre ce pays dans sa complexité et sa diversité. A croire qu'il nous serait impossible d'envisager une véritable altérité. Car enfin, qu'est-ce qui nous déroute dans le Japon au point que nous avons été, selon les époques, tantôt fascinés, tantôt horrifiés n'est-ce pas au fond la même chose ? par ses us et coutumes ? [...]
[...] Incapables de l'entrevoir, les experts imaginent des changements qui ne sauraient que rapprocher le Japon du modèle européen. Il n'en sera pourtant rien. Le Japon, demain encore, aujourd'hui déjà, appuie sa modernité sur sa propre histoire, qui n'est pas la nôtre. Les Japonais, acteurs de leur avenir, se forgent un destin qui leur est propre, et qui n'emprunte aux autres civilisations que ce qui leur permet de se réaliser en toute autonomie. Cela fait vingt-cinq siècles qu'il procède de la sorte, à la manière d'un clapet, qui ingère, digère, transforme, fait sien les éléments utiles pour demeurer ce qu'il est : le pays choisi par les dieux Izanami et Izanagi parce qu'il y fait bon vivre plus encore que dans les cieux. [...]
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