L'indignation est une notion qui agite nos sociétés et plus particulièrement depuis près d'un an et le développement de mouvements importants d'indignés comme « los indignados » en Espagne ou « Occupy Wall Street » aux Etats-Unis, ceci au niveau politique et sociétal consécutif à la crise quasi-mondiale de 2008 et des cures d'austérité par exemple en Espagne. L'indignation apparait dès lors comme le rejet d'une situation, d'une loi, d'une action et semble régulièrement suivie par la protestation qui apparait comme une réaction à une décision ou une action qui nous indigne. L'indignation, si elle semble une action banale dans la vie quotidienne dans la sphère privée, relève d'une autre importance dans la sphère publique quand elle touche à la société ou à la vie politique.
[...] Cultiver l'indignation est d'abord en soi une action démocratique nécessaire, mais qui peut néanmoins être contradictoire et dangereuse. Cultiver et faire preuve régulièrement d'indignation apparaît comme un acte démocratique nécessaire. Plus que s'indigner, cultiver l'indignation correspond au fait de régulièrement s'indigner contre quelque chose, quelqu'un, car cela présenterait une utilité pour l'individu ou pour la société. Cela induit de plus l'idée que l'indignation n'apparait pas soudainement, ex nihilo, mais bien qu'elle s'exerce et se travaille pour être efficace et bénéfique (même si les deux ne vont pas forcément de paire). [...]
[...] Cet acte peut dès lors apparaitre bénéfique que ce soit dans l'indignation contre une mesure, une action, quelqu'un qui ne nous concerne pas (cela s'apparente alors à une vraie action altruiste et citoyenne), ou si l'indignation contre quelque chose qui nous touche, porte atteinte à nos intérêts L'individu cherche alors à défendre ses intérêts et sa sphère privée, mais cela peut supposer un dysfonctionnement ou une injustice qui touche le domaine privé de l'individu. L'indignation et la culture de l'indignation permettent dès lors d'éviter le despotisme démocratique développé par Alexis de Tocqueville, qui considère que les individus se replient progressivement sur leurs intérêts et leur sphère privée (travail, famille, amis) et délaissent d'autant plus la sphère publique à l'État tant que celui-ci n'atteint pas les intérêts privés. Mais on assiste alors à un déficit de débat et de vie démocratique nécessaire, dont l'indignation est une forme. [...]
[...] De plus, la culture de l'indignation pose le problème de la légitimité de cette indignation. En effet, la pluralité des individus, la socialisation différente de ceux-ci, leur capital culturel, rendent la perception de légitimité d'un individu à s'indigner pour une cause différente selon les individus. Ainsi, on peut considérer qu'un jeune s'indignant contre une réforme ou un changement sociétal n'a pas la maturité nécessaire pour avoir l'objectivité et la légitimité à s'indigner pour une cause qui peut être mauvaise. Au contraire, on pourra considérer qu'un senior n'est pas assez en phase avec la réalité ou a une vision trop archaïque pour légitimement s'indigner pour une cause potentiellement injuste. [...]
[...] On peut donc considérer que l'indignation n'est pas une bonne fin en soi, mais elle reste le meilleur moyen pour les individus de se prémunir contre les dérives de la société. Si le fait de cultiver l'indignation et de rendre trop systématique cette indignation peut être contreproductif, on peut néanmoins considérer que le fait de ne pas s'indigner du tout semble pire nos sociétés démocratiques. Au-delà d'un despotisme démocratique développé par Tocqueville, on peut considérer que l'absence d'indignation (dans le cadre de la politique) peut mener à des dérives sociétales et du même coup à un désengagement des individus de la sphère publique. [...]
[...] On peut donc dire que la culture de l'indignation correspond à un acte démocratique nécessaire, car est une forme d'expression dans la sphère publique. Mais elle peut aussi s'avérer voir dangereuse. Tout d'abord, l'idée d'indignation et de cultiver l'indignation semble parfois contradictoire notamment avec l'idée de démocratie et de vie en société. En effet, la vie démocratique suppose l'existence de débats, que ce soit entre les citoyens dans la vie de la cité, ou par des représentants élus démocratiquement par ces citoyens. [...]
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