« Dans le monde des sciences sociales, « classes moyennes » fait partie de ces appellations sans origine contrôlée ni définition consensuelle dont la popularité vient de ce que leur imprécision permet de dire tout et son contraire » L. Chauvel (« La déstabilisation des classes moyennes », 2005.
Dans la rhétorique politique à la distinction entre « France d'en bas » et « France d'en haut » de son prédécesseur semble s'être substituée celle des classes moyennes de l'actuel premier ministre français. Début septembre 2005, D. de Villepin annonçait en effet « un big-bang fiscal en faveur des classes moyennes ». Et pourtant, la délimitation de ces classes moyennes pose problème. Pour Matignon, en effet, les classes moyennes, selon Matignon, seraient "les Français percevant des revenus mensuels de 2000 à 3000 euros ». Or le revenu disponible net par unité de consommation du ménage français médian est d'à peu près 1300 euros par mois. Pour les personnes seules, gagner 2000 à 3000 euros les place entre les 5% et les 15% les plus aisés ; même pour un couple avec un jeune enfant (1,8 unités de consommation), la médiane se situe autour de 2400 euros par mois. Autant dire que la définition de Matignon exclut une bonne partie de la population que beaucoup de personnes rangeraient parmi la classe moyenne.
[...] Enfin, les classes moyennes semblent plus pour soi qu'« en soi tant les caractéristiques objectives qui les unissent semblent peu nombreuses. Objectivement, les classes moyennes se caractérisent par deux traits essentiels Au niveau du revenu, les classes moyennes seraient celles dont le niveau de rétribution s'approche de la moyenne (un peu plus de mille cinq cents euro de salaire mensuel), soit un revenu moyen par foyer environ une fois et demi plus important que celui des ouvriers et une fois et demi moins élevé que celle des cadres. [...]
[...] Les classes moyennes apparaissent alors davantage comme des groupes dont on parle au nom de, que comme des groupes qui parlent en leur nom. En effet, l'expression est largement mobilisée par les publicitaires, les médias (comme lors du débat sur le plafonnement des allocations familiales en 1999[4]) et les hommes politiques (cf. les deux français sur trois de Valéry Giscard d'Estaing en 1984). Si cet usage traduit indéniablement la volonté de cibler et convoiter un électorat- lectorat , il renvoie plus profondément à une conception ancienne (aristotélicienne) de la société où les classes moyennes sont vues comme le noyau garant de la stabilité de l'ensemble, car caractérisé par le bon sens mélange de pragmatisme (initiative, goût de l'effort) et de morale (pondération, tempérance)[5]. [...]
[...] La montée du mouvement ouvrier avec la redéfinition de la bourgeoisie qu'elle entraîne suscite l'émergence d'un schéma ternaire centré sur les classes moyennes, “élément sain et stable”. Le parallélisme avec la carte des idéologies économiques est explicite : entre le capitalisme et le collectivisme, il convient selon ses partisans de faire émerger une troisième voie Op.cité p 46 E.Maurin (2003) Un destin social incertain et métissé in Informations sociales p 8-9 H.Mendras (1988) La seconde révolution française 1965-84, p 60. [...]
[...] II/ cette appellation n'est pas dénuée d'ambiguïtés Classe moyenne ou classes moyennes ? Les clivages qui traversent ce groupe infirment la définition marxienne de la classe sociale fondée sur la position occupée dans les rapports de production A1- Il n'existe pas une classe moyenne, mais une nébuleuse traversée de clivages nombreux Contrairement à l'idée marxienne d'une bipolarisation des rapports sociaux dans le système de production capitaliste, le développement des catégories moyennes conduit à les définir en creux : appartiendraient aux classes moyennes tous ceux qui ne relèvent pas de la classe ouvrière et du prolétariat d'une part, ni des élites économiques et culturelles d'autre part. [...]
[...] D'une part, démographique : les emplois intermédiaires progressent numériquement moins vite qu'au cours des décennies précédentes et sont soumis à un mouvement de précarisation croissant, avec le développement des emplois atypiques. D'autre part, scolaire : lieu de promotion pour les générations précédentes, l'école apparaît aujourd'hui pour les classes moyennes comme un lieu de désillusion. L'augmentation du nombre de diplômés du supérieur est plus rapide que celle des postes de cadres et de professions intermédiaires. Cette inflation des titres scolaires s'accompagne alors d'un sentiment de déclassement fort. [...]
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