Suite à l'attentat contre un séminaire rabbinique - dans lequel huit jeunes hommes avaient été tués- le Grand Rabbin d'Israël a rappelé que la loi juive est formelle : « la vie d'un seul garçon étudiant dans une école religieuse vaut plus que celle de mille Arabes». Parallèlement, les Iraniens appellent à rayer Israël de la carte et George W. Bush déclare la guerre au terrorisme au nom de Dieu. Ces exemples extrêmes illustrent bien l'ampleur du conflit existant entre les différentes religions monothéistes. Cet antagonisme se répercute à différentes échelles : tant au niveau international, que national, ainsi que dans chaque sphère de la société. Sur le marché du travail français, les employeurs sont réticents à embaucher des personnes de confession musulmane, utilisant pour prétexte, « les obstacles liés à la religion» ; à l'école, les signes religieux ostentatoires sont prohibés, sous peine de renvoi , etc. Ainsi, l'appartenance à une religion n'est pas dénuée de conséquences, dans la mesure où elle semble – selon les études – jouer un rôle prépondérant à chaque étape de la vie « publique », telle que la recherche d'un logement, d'un emploi…
Notre étude porte ici sur les perceptions qu'ont les étudiants vis à vis d'une appartenance religieuse affirmée ou non, c'est-à-dire, la manière dont s'articulent les rapports entre les étudiants autour de la religion. S'ils sont plutôt réticents à fréquenter des personnes de confession différente ou au contraire, s'ils sont tolérants à ce sujet. Ainsi nous essayerons d'étudier le comportement des étudiants afin de déceler s'ils ont une attitude discriminatoire. Nous prendrons ici le mot discrimination au sens d'un traitement inégal, intentionnel ou non intentionnel, de personnes placées dans la même situation ou présentant des caractéristiques semblables sur le fondement d'un critère non rationnel ou étrangers à la situation considérée. La discrimination conduit à associer un critère de distinction, considéré comme illégitime avec un traitement plus défavorable fondé sur ce critère .
Afin de mettre en lumière la perception des universitaires vis-à-vis des discriminations, nous avons interrogé, à l'aide de questionnaires, des étudiants dans de nombreuses facultés. L'usage du questionnaire présente certes des intérêts, mais également de nombreuses limites.
Six limites se sont démarquées, trois relatives au type de passation – c'est-à-dire, le face à face -, le reste étant lié au questionnaire et à son objet.
Tout d'abord, les répondants manifestent certains problèmes de compréhension des questionnaires, liés à l‘effet d'éviction. En effet, les questions ouvertes supposent une capacité de formulation des idées, que les individus n'ont pas tout le temps ;
Par ailleurs, les sondés peuvent ne pas saisir correctement le sens d'une question ; dans ce cas, une alternative se crée : soit ils ne demandent pas plus d'informations et ne répondent pas correctement à la question, soit ils demandent, et notre réponse les oriente : il s'agit ici de l'effet de légitimité : de part notre présence, l'enquêté va répondre selon ce qu'il imagine être l'opinion de l'enquêteur.
De plus, on dénote un effet de focalisation sur les normes : le questionnaire proposé ici étant basé sur les discriminations, et la discrimination étant mal vue dans la société, les individus interrogés auront tendance à adopter une attitude conciliante vis-à-vis de ce phénomène, de peur d'être jugé par l'enquêteur.
Ensuite, les limites du questionnaire, en lui – même, reposent essentiellement sur sa taille, ainsi que sur la durée nécessaire à le remplir (entre 20 et 30 minutes), sur certaines questions polémiques et sur le lieu de passation. Le questionnaire étant relativement long à remplir, les dernières réponses laissent transparaître un manque de pertinence, de clarté, ou sont même parfois laissées de côté, ce qui rend certains documents complètement inutilisables.
Puis, certaines questions, polémiques de part l'objet du questionnaire, incitent les répondants à critiquer la question et non pas à répondre à la question posée.
Enfin, le lieu de passation– le hall du palais universitaire – fait que les personnes isolées étaient rares : de ce fait, ce sont des groupes que nous avons majoritairement interrogés ; les sondés se concertaient alors entre eux et échangeaient leurs réponses, et/ou étaient prudents en répondant, de peur de se faire « juger » par leurs camarades. Enfin, le lieu de passation ne rassemblait qu'une minorité d'étudiants : de ce fait, l'échantillon n'est pas représentatif de la population estudiantine, dans la mesure où les Erasmus, par exemple, ont tendance à rester entre eux, et à ne pas se mêler avec les autres étudiants.
Cependant, l'utilisation du questionnaire présente un intérêt non négligeable, car sa passation s'effectue face à face : il est possible d'observer les réactions des sondés et de les noter, afin d'enrichir, d'améliorer l'interprétation, d'autant plus que l'objet porte sur les discriminations, sujet polémique. Par ailleurs, l'usage du questionnaire écrit permet aux sondés de réfléchir au sujet, et de ne pas répondre à la hâte, comme cela pourrait être le cas lors des sondages téléphoniques. Le questionnaire écrit, où les questions ouvertes sont peu nombreuses, facilite la tâche au questionné.
Cette étude statistique nous a permis de souligner trois grandes tendances, au sein des Universités Strasbourgeoises, concernant leur position vis-à-vis de la religion. Tout d'abord, l'analyse a montré que la population étudiante se divise en deux groupes : les non-religieux, représentants un tiers des individus interrogés, et le reste, les pratiquants, qui sont le plus souvent chrétiens (catholique ou protestant) ou musulmans. La religion est donc très présente à l'Université, mais il s'agit moins d'une réelle croyance que d'un marqueur, une identité culturelle, dans la mesure où les chiffres mettent en lumière une moindre fréquentation des lieux de culte.
Par ailleurs, on a pu observer une certaine méfiance à l'égard d'une religion, l'Islam. Cette appréhension de la religion musulmane se manifeste par l'opposition au port du voile, ainsi que par la perception négative qu'a la majorité des individus, et notamment les catholiques de droite ou d'extrême droite vis-à-vis de l'Islam.
Enfin, c'est l'existence de « clichés » ou « d'idées reçues » entre chaque religion qui semble montrer un certain cloisonnement entre les confessions : en effet, chaque religion se perçoit comme un groupe ouvert à l'autre, alors qu'elle voit les autres comme un groupe fermé. Mais il s'agit là d'un résultat paradoxal, dans la mesure où une grande majorité des étudiants fréquente des individus de confessions différentes de celle à laquelle ils appartiennent. Il semblerait alors que ce soit un manque de communication qui nous conduit à ce bilan.
Dans un premier temps, il semble nécessaire d'étudier comment se répartit et se pratique la Foi dans les universités strasbourgeoises ; puis, nous analyserons les perceptions qu'ont les individus à l'égard des autres confessions. Enfin, il s'agira de décrire la manière par laquelle les étudiants cohabitent avec les autres religions, en fonction de l'ouverture aux autres et de l'appartenance politique.
[...] On observe que près de 70% des étudiants affirment avoir une religion, et 60% font partie d'une des trois religions du Livre. Un tiers des étudiants n'ont pas de religion; on en déduit que la religion conserve une place prépondérante chez les étudiants. Ce résultat important nous amène à nous demander si la pratique des religions confirme la place centrale de la religion dans la vie des étudiants, ou si celle-ci n'est qu'un élément utilisé en tant que marqueur de l'identité personnelle. [...]
[...] Enfin, il s'agira de décrire la manière par laquelle les étudiants cohabitent avec les autres religions, en fonction de l'ouverture aux autres et de l'appartenance politique. Table des matières Le Journal de Terrain L'organisation du travail de groupe Les sollicitations L'organisation de l'opération de codage II) L'Analyse Statistique 20 III) Conclusion 33 Le journal de terrain L'organisation du travail de groupe Le tirage au sort devant déterminer la population estudiantine auprès de laquelle nous devions effectuer la passation de questionnaire nous a attribué les étudiants en Histoire ainsi qu'en Théologie protestante et catholique. [...]
[...] Puis, je suis allée voir un groupe de trois étudiants, qui ont refusé, courtoisement, de remplir le questionnaire. Ils avaient un style baba cool avec cheveux longs, casquette, etc. Enfin, la dernière personne interrogée ne faisait pas partie d'une catégorie discriminée, et ne portait pas de signe religieux. Il a accepté de répondre au questionnaire. Durant la passation il n'a pas posé de question et me l'a remis poliment. Laure Cattin Dans l'ensemble la passation des questionnaires s'est très bien passée. [...]
[...] Elle a tout de même accepté, et n'a pas posé aucune question lors de la passation, ni réagi aux intitulés (pas de soupirs, de rires A la fin de l'entretien, elle m'a remis le questionnaire en souriant. La seconde personne, une étudiante, a également accepté de remplir le questionnaire. Elle aussi était habillée normalement ne portait pas de signe religieux et n'appartenait pas à une catégorie potentiellement discriminée. Lorsque je l'ai abordée et lui ai présenté l'objet de la sollicitation, elle a accepté, en souriant. Durant la passation, elle n'a fait aucune remarque, puis m'a rendu le questionnaire de façon assez formelle, voire sèchement. [...]
[...] En effet, les étudiants ont répondu sans réticences aux questionnaires, et pour ma part aucun des étudiants interrogés n'a refusé de répondre aux questionnaires. La plupart étant contents d'avoir rendu service. Nous sommes allés une première fois à la faculté d'histoire et de théologie le 14 février avec Nicolas Briot ; j'ai fait ce jour là questionnaires. Tous les questionnaires ont été distribués à des étudiants qui étaient dans le hall du palais universitaire, qui étaient pour la plupart en groupes de 3 ou ce qui a rendu rapide la passation. [...]
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