La vision traditionnelle des institutions en Afrique ainsi que de sa population se retrouvent dans l'une des célèbres maximes de l'un de ses plus illustres dirigeants, Léopold Senghor, ancien Président sénégalais : « en Afrique, disait-il, l'État à précédé la nation ». Si, de nos jours, cette affirmation est contestée, elle indique l'articulation particulière qu'ont connue les États modernes africains et les sentiments d'appartenance locaux. Elle suppose ainsi que la forme étatique africaine se distingue de la forme occidentale calquée sur le modèle de l'État-nation. L'État africain serait ainsi le géniteur, ou du moins cet utérus favorable à la naissance de la conscience nationale des peuples africains. De cette affirmation, on serait conduit à en déduire que la colonisation a joué un rôle prépondérant dans l'émergence de cette même conscience nationale via l'instrument étatique importé sur ce continent par les colons occidentaux. Du néant, nous serions passés au développement de la structure étatique dessinée par les puissances coloniales des XIX° et XX° siècles. Cependant cette conception de l'État africain nous enferme dans un double présupposé dont il est bon de se défaire en vue de l'analyse à venir. En effet, penser cela reviendrait à considérer d'une part que l'Afrique serait un continent a-historique avant la venue occidentale, sans structures institutionnelles ou politiques préalables. Or, face à ce nihilisme de la pensée coloniale, on peut opposer la pré-existence de structures institutionnelles que l'on qualifierait de traditionnelles , postérieures à la colonisation, et dont l'État moderne, wébérien, se serait emparé lors de son installation.
[...] C'est un phénomène urbain à part entière, dont le développement est propre à la ville. Notamment la ville organise, classe et installe les populations selon leur appartenance initiale. Si le critère d'identité devient le travail, les liens de sociabilité demeurent ceux de l'ethnie avant de devenir ceux de la corporation En ville, l'hétérogénéité et le cosmopolitisme tranchent avec la relative homogénéité de la campagne. Néanmoins, pour des raisons de proximité et de solidarité face à l'inconnu aussi, les gens se réunissent dans des quartiers marqués par la domination de leur ethnie d'origine. [...]
[...] Il y a lieu de constater que l'Afrique subsaharienne, en dépit de la pseudo-démocratisation des années 1990, ignore la culture de la gouvernance, car les nouvelles institutions et les nouvelles normes juridiques flottent sur le corps social sans jamais le pénétrer en profondeur. Elles sont dépourvues de sens pour la majorité des peuples et des citoyens qui ne les comprennent pas. La culture de la gouvernance semble être toutefois l'antidote de la culture de règne prisée par les élites africaines postcoloniales, d'après laquelle l'État est essentiellement un pouvoir qui commande. [...]
[...] Les incidences des mutations sociales et de l'urbanisation confirment le caractère malléable de l'ethnicité. Partant de la campagne pour des raisons le plus souvent économiques, ces groupes en mouvement recréent généralement de nouveaux ensembles une fois en ville, selon leurs besoins et les opportunités. Aussi, pour Wallerstein, il existe une différence entre le tribalisme rural et l'« ethnicité urbaine Le premier se rapproche de la communauté d'appartenance alors que la seconde est l'incarnation d'un groupe dont les valeurs sont ancestrales ou anciennes. [...]
[...] Robert Putnam, Bowling alone : the collapse and revival of American community, Simon & Schuster, New-York Par ailleurs, un autre sociologue français, Pierre Bourdieu utilise l'expression capital social pour désigner le réseau de relations personnelles qu'un individu peut mobiliser quand il en a besoin. Cf. Pierre Bourdieu & Loïc Wacquant Réponses, Le Seuil, Paris Cf. William Easterly & David I .Levine, Africa's Growth Tragedy Quarterly Journal of Economics Cf. Emmanuel Ma Mung, Entreprise économique et appartenance ethnique Revue Européenne des Migrations Internationales, Volume 12, n°2. En ligne à l'adresse : http://remi.revues.org/document2804.html (consulté en ligne le 06/04/2007). [...]
[...] C'est pour cette raison que nous chercherons donc à comprendre, comment, les leviers de l'ethnicité sont mobilisés au service, ou au détriment, du développement Une des difficultés qu'il faudra dès lors prioritairement affronter est celle de la complexe, mais nécessaire définition du champ lexical ethnique Après ce travail de définition et de compréhension, nous verrons que dans le contexte subsaharien, l'ethnicité existe surtout par rapport à l'objet étatique, dont les formes et parfois le fond sont mis à l'épreuve par celle-ci (II). Agissant donc sur l'État, nous chercherons enfin à détecter et discerner les répercutions du fait ethnique sur le développement dans cette région, qu'il soit économique, politique, social ou culturel (III). I Cheminements idéologiques des ethnies en Afrique subsharienne L'ethnie comme groupe d'individus nous interroge sur ce qui motive son existence, ce qui constitue son activité et ce qui engendre ses revendications. [...]
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