Pendant longtemps, l'éthique dans l'univers des affaires fut considérée comme un questionnement extérieur à l'entreprise. Elle était alors vue comme un obstacle à sa finalité première, qui est de créer de la richesse, d'atteindre une efficacité économique.
Cependant, doucement, avec les pressions des parties prenantes de plus en plus nombreuses et diversifiées, au fil des différentes crises sociales et économiques, ou de l'éclatement de l'Etat Providence, on a pu observer dans les entreprises, un glissement vers des considérations éthiques. Elles se sont ainsi positionnées, comme on peut parfois le lire ou l'entendre, en personnes morales. Ce déplacement des entreprises vers l'éthique - auparavant éthique de l'individu, désormais, éthique professionnelle ou éthique en entreprise - n'est pas sans poser de problèmes. Toute la difficulté réside dans l'application de la notion d'éthique, du domaine de l'homme, en tant qu'individu, au monde bien particulier de l'entreprise.
Dans une « société de jugement », il devient impossible pour les entreprises, comme l'exprimait Nicole d'Almeida, de ne pas être à l'écoute du monde qui les entoure en général, et de leurs parties prenantes, en particulier. Qu'elle soit bien ou mal appréhendée, la notion d'éthique s'impose dans l'évolution de notre société, et s'est donc déplacée, tout naturellement, au sein des entreprises. En réalité, ce mouvement semble fort peu naturel et l'apparente contradiction entre éthique et entreprise ne cesse de soulever des questions : est-ce un phénomène de mode ou une évolution stable ? Comment les entreprises comprennent-elles et gèrent-elles ces nouvelles responsabilités ? Une entreprise peut-elle et doit-elle réellement « être éthique » ou « faire de l'éthique », comme il est fréquent de l'entendre ?
C'est au travers de ces questions que nous serons amenée à nous interroger sur la place de l'éthique en entreprise en général, et sur cette question en particulier : l'éthique en entreprise, un obstacle ou un alibi ?
[...] C'est ainsi que si l'éthique en entreprise est peut-être envisageable, comme nous en avons esquissé l'idée plus haut, l'éthique d'entreprise est impossible comme nous allons maintenant tenter de le démontrer. Nous avons précédemment admis le postulat que, face à la question de l'éthique, l'entreprise pouvait, d'une certaine façon, être considérée comme une entité morale, capable de conviction, de responsabilité. Dans ce sens, l'entreprise, somme de personnes morales constituant un groupe, se constituait comme une personne morale supérieure représentative de la totalité des individus constituant le groupe. [...]
[...] C'est, selon Weber, l'attitude du croyant, du syndicaliste, etc., qui ne tendent qu'à promouvoir leurs convictions sans prendre en compte ni conséquences potentielles, ni concessions. Selon Weber, cette éthique de la conviction est d'emblée vouée à l'échec, parce qu'elle justifiera toujours les moyens utilisés par la fin recherchée. C'est en cela que l'éthique de la conviction peut-être vue comme un alibi, dans son acception du XIVème siècle : Activité permettant de se disculper, de faire diversion (Petit Robert). La fin devient un alibi des moyens. [...]
[...] L'obstacle seul est un frein et l'alibi un aveuglement, quand les deux rassemblés donneraient une juste mesure. Max Weber explique que ce n'est qu'avec l'union de ces deux éthiques qu'apparaît l'homme authentique, à savoir l'homme qui peut prétendre à la vocation politique. Dès lors, comment définir l'éthique en entreprise à travers le prisme de l'éthique de la conviction et de l'éthique de la responsabilité ? La vision de l'éthique en entreprise comme un alibi, que nous avions notée précédemment, dans son sens commun, irait à l'encontre de l'explication de l'éthique comme alibi selon Max Weber. [...]
[...] Il ne s'agit en aucun cas de nier ce qu'est une entreprise, de nier ce qu'est le système économique. Le concept d'éthique, appliqué en entreprise est bien loin de l'éthique telle qu'elle était conçue dans l'Antiquité : on assiste à une adaptation, une évolution, dans un temps nouveau où les mentalités ont évolué. [...]
[...] Cela dispense-t-il l'entreprise d'être éthique, ou du moins de tenter de l'être ? Certainement pas. Tout comme le directeur, chaque individu composant l'entreprise est un être moral et potentiellement éthique. Que l'entreprise ne puisse se voir attribuer de telles caractéristiques ne doit les conduire à se sentir dédouanés. Le directeur a cependant un rôle central, en ce qu'il se trouve, selon Comte-Sponville à la croisée du primat de l'entreprise qui est de créer des richesses, et de la primauté des individus, qui est éthique. [...]
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