Le mot temps désigne l'objet d'un savoir et d'une expérience immédiats, mais dès que l'on veut en saisir le contenu, il est souvent représenté par des métaphores. De ce point de vue, la notion de temps, pour polysémique qu'elle soit, permet d'envisager toute société comme le lieu de l'articulation et de la coordination des grands rythmes sociaux qui la composent et qui la définissent. Selon l'image d' Henri Hubert, le temps constitue : « la respiration de la société » . Ainsi, tout phénomène social s'inscrit dans un temps donné mais sur¬tout, ce temps donné produit un temps spécifique. En retour, ce temps spécifique, c'est-à-dire le temps social, composé de temps vécu, linéaire, ramifié, cyclique, réversible, irréversible, orienté, ou aléatoire, où les séquences, les scansions, les rythmes et les alternances se font et se défont, offre une grille d'analyse originale pour comprendre la trame que constitue une société dans la plénitude de sa complexité. Dans certains types de sociétés les paramètres sont plus ou moins précis, ils peuvent même varier d'un extrême à l'autre, mais ce qui est vraiment décisif, c'est l'inscription du changement ou de la stabilité dans les représentations culturelles. A ce titre, le temps social exprime une fonction régulatrice fondamentale de la réalité sociale. Selon Durkheim : « Cela seul suffit déjà à faire entrevoir qu'une telle organisation doit être collective » . Accepter une telle hypothèse justifie dès lors les entreprises sociologiques qui se donnent pour mission de repérer les pratiques et représentations instituées et institutrices de paradigmes temporels variables d'une époque, d'une culture ou encore d'un groupe social à l'autre.
[...] au temps ! Chapitre II : des précurseurs aux fondateurs de la sociologie du temps C'est l'école durkhémienne qui s'est penchée la première sur la sociologie du temps : Henri Hubert, Marcel Mauss et Émile Durkheim en sont les grands représentants ; un peu plus tard, Maurice Halbwachs prolongera et précisera certains des concepts centraux de Durkheim, à partir de l'étude de la conscience collective. C'est à partir des notions de sacré et de rythme dans les sociétés anciennes que la réflexion y est étayée, comme le précisent Hubert et Mauss par leurs recherches sur les fêtes : le rythme de la vie en société, les successions des fêtes, chez les peuplades anciennes, sont ordonnés selon des catégories religieuses de pensées, les rites eux- mêmes constituant les modalités soit d'ordonnance du rythme de la vie en collectivité, soit de pénétration du fait religieux dans les activités humaines. [...]
[...] MAUSS M., Œuvres Tome 1 : Les Fonctions sociales du sacré, Paris, Minuit p MAUSS M., Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos In l'Année Sociologique, IX MAUSS M., Sociologie et anthropologie, Paris, PUF p MAUSS M., Op.Cit., pp. 474-475. DURKHEIM E., Les formes élémentaires de la vie religieuse. Paris, P.U.F.[1912] 1960, p DURKHEIM E., Les formes élémentaires de la vie religieuse. Paris, P.U.F., [1912] 1960, p HALBWACHS M., Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Albin Michel pp.110-112. HALBWACHS M., Esquisse d'une psychologie des classes ouvrières, Paris, Rivière p HALBWACHS M., Op.Cit., p.34. [...]
[...] Tel est le temps des actes de création qui interviennent toujours en tant que conduites effervescentes dans la réalité sociale, mais qui, de sous-jacentes, deviennent ostensibles et dominantes durant les révolutions. Tel est le temps des communions créatrices. Telle est la tendance du temps qu'on essaie de faire prédominer dans le collectivisme centraliste et pluraliste. Telle est, sous une forme bien plus technicisée, la prétention au moins du temps qu'on voudrait faire jouer comme support du capitalisme organisé et du fascisme. [...]
[...] Durkheim explique que le temps n'échappe pas plus que l'espace, le genre, le nombre ou encore la cause à cette emprise du collectif. La notion ou la catégorie de temps ne consiste pas simplement dans une commémoration, partielle ou intégrale, de notre vie écoulée. C'est un cadre abstrait et impersonnel qui enveloppe non seulement notre existence individuelle, mais celle de l'humanité. C'est comme un tableau illimité où toute la durée est étalée sous le regard de l'esprit et où tous les événements possibles peuvent être situés par rapport à des points de repère fixes et déterminés. [...]
[...] Ce sont de vrais hiatus que l'on rencontre ici. Hiatus entre symbole et symbolisé, hiatus entre les différents symboles, dont la variation des colorations, l'origine, l'efficacité sont presque infinies. Discontinuité entre idées et valeurs ; discontinuité entre différentes idées, rupture entre les idées reçues et les idées nouvelles ; discontinuité entre différentes échelles de valeurs ; discontinuité entre différentes valeurs. Cependant, tout ceci ne décide pas du dynamisme des symboles, idées et valeurs. En principe, les symboles intellectuels sont plus en retard que les idées, alors que les valeurs, surtout les valeurs volontaires, sont plus en avance qu'elles, et que les valeurs émotives ont tendance soit â retarder, soit à avancer par rapport aux idées. [...]
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