Qu'est-ce qu'être féministe ?

Résumé du document

Nous verrons tout d'abord quels sont les grands thèmes fédérateurs des différents féminismes et nous nous concentrerons plus particulièrement sur les thèmes de l'égalité des sexes et de la domination masculine. Ensuite nous étudierons les grandes divergences entre les féministes et principalement entre les deux grands courants que sont l'universalisme et le différencialisme pour finalement tendre vers un « contextualisme », défini par la sociologue Nathalie Heinich

Extraits

[...] Au nom de la particularité de l'autre, le groupe dominant s'arroge les droits en fixant les limites des droits de l'autre et le maintient dans un statut qui lui enlève tout pouvoir contractuel. La dissymétrie constitutive de la relation de domination se manifeste non seulement dans les pratiques sociales, mais aussi sur le plan de la conscience et dans les stratégies identitaires. Les relations de domination sont différentes des relations de pouvoir classiques en ce qu'elles ont des effets irréductibles propres et qui ne peuvent être inversés. [...]

[...] Mais selon Mathieu, la notion même de consentement supposerait une relation symétrique entre égaux, avec totale liberté de choix donc prétendre qu'il puisse y avoir consentement des dominés aux conditions définies par les dominants est donc une contradiction dans les termes. Pierre Bourdieu souligne de son côté l'adhésion que le dominé ne peut pas ne pas accorder au dominant [dans la mesure où] il ne dispose pas d'autre schèmes de pensée que ceux qu'il a en commun avec le dominant et qui sont produit de incorporation des modalités de la relation de domination, qui institue une sorte de violence symbolique dont les effets et les conditions d'efficacité s'inscrivent de façon durable de sorte que les interdits sociaux sont naturalisés et résistent à la prise de conscience. [...]

[...] Cette opposition restera prégnante au sein des mouvements féministes comme nous le verrons plus tard. Construit en opposition à la différence réelle ou imaginaire des femmes par rapport aux hommes, le principe d'égalité au cours des derniers siècles, situé les combats pour la libération des femmes à un choix impossible que Carol Pateman à la fin des années 1980 appelait le dilemme de Wollstonecraft En effet, d'une part, la pleine reconnaissance politique et sociale des femmes signifie qu'elles doivent s'adapter à la norme masculine, devenir [comme] des hommes De l'autre, leur demande d'être admises telles qu'elles sont dans une organisation sociale qui prenne en considération leurs différences avec les hommes (par exemple la maternité, les soins des enfants), renforce le régime d'exception dont elles font l'objet et les condamne à une incorporation spécifique en tant que femmes, c'est-à-dire en tant qu'hommes imparfaits. [...]

[...] Qu'est-ce qu'être féministe ? Introduction Après les années 1970 et la libération sexuelles, les années 1980 où l'image de la femmes traditionnelle s'effaçait au profit de l'image de la superwoman plus forte, plus maîtresse d'elle-même, les années 1990 traversées par la crise économique se caractérisent d'une part par un retour des mouvements plus féminins que féministes mettant la mère au centre de l'identité féministe, et d'autre part par les débats sur la parité homme-femme, menant à une réforme constitutionnelle en 1999 et à l'adoption de la loi paritaire l'année suivante, qui illustra très fortement les dissensions entre les différentes personnalités féministes. [...]

[...] La disparition de la domination doit donner lieu à un monde commun composite, enrichi des apports de l'une et l'autre forme sexuée de l'humanité. La domination masculine a en effet approprié l'universel en le tronquant. La libération des femmes n'est pas que le dépassement d'une injustice, c'est aussi la manifestation d'une dimension du rapport au monde occultée jusqu'ici. Ce qui caractérise le féminin dans cette optique, c'est sa résistance à l'Un, figuré par le phallique, propre au masculin, et qui structure indûment le monde dit commun. [...]