Donner et prendre est un ouvrage de Norbert Alter rédigé en 2009 et salué par le monde académique et entrepreneurial. Publié chez La Découverte, cet ouvrage entend s'adresser à un public plus large que de nombreux travaux universitaires, ainsi qu'en témoigne la récension effectuée par Alternatives économiques. Dans ce livre, il se propose d'analyser le monde de l'entreprise et des interactions sociales qui ont cours dans le monde professionnel. Son terrain se démultiplie dans plusieurs entreprises aux domaines variés, allant de l'organisation industrielle au monde du conseil. Cette perspective comparée a l'avantage de pouvoir offrir une portée plus générale à ses propos. L'autre caractéristique très particulière de son étude est le rapport entretenu par Norbert Alter avec les concepts de Marcel Mauss et de Bronislaw Malinowski, respectivement sociologue/anthropologue français et anthropologue américain.
Conclusion
Donner et prendre est une recherche passionnante car son auteur a cherché à conduire le fil du cadre maussien tout au long de sa recherche. En reprenant la théorie du don élaborée par Marcel Mauss et ses déploiements anthropologiques (Malinowski, Douglas, Godbout et Caillé etc.), l'auteur fournit une théorie des relations professionnelles qui se basent sur les échanges sociaux, leurs raisons et leurs effets. Il montre ainsi la manière dont chacun gagne, professionnelles et humainement, à jouir de ces interactions mais aussi la manière dont les organisations se nourrissent de telles pratiques informelles et déviantes avant d'en souligner les limites structurelles. En effet, les évolutions politiques, économiques et organisationnelles des entreprises ont tendance à valoriser les appétences et compétences individualisante en dépit du travail collectif. Néanmoins, il faut se garder de trop généraliser les pratiques telles qu'énoncées afin de porter un regard sociologique sur la façon dont, réellement, les normes sont vécues, interprétées et, parfois, détournées.
[...] souvent même contraires aux règles fonctionnelles et rigides, le don permet une interaction des compétences. En privilégiant une analyse du travail réel (par rapport au travail prescrit), Norbert Alter entend disséquer les pratiques professionnelles en apparences gratuites, leurs usages ainsi que leurs apports. Les trois étapes du don et son inscription dans les organisations sociales L'analyse du don reprend donc le travail de Marcel Mauss et l'analyse monographique effectuée par Bronislaw Malinowski aux îles Trobiand. Le système de la kula, est rapidement décrit par Norbert Alter comme « la manière dont les échanges permettent la construction du lien social et donc le fonctionnement d'une société tout entière » (p. [...]
[...] ] il leur est demandé de tenir compte de contraintes commerciales » (p. 86). Cet exemple montre bien la constante nécessité évolution qu'impliquent les transformations des organisations qui rendent plus difficile l'apprentissage de compétences qu'en retour les travailleurs pourraient transmettre. Dans un exemple repris dans un autre article, Norbert Alter montre ces logiques de déstructuration chez les salariés bancaires. Le sociologue met en lumière les phénomènes d'érosion des capitaux sociaux, soit la destruction des logiques d'acquisition de compétence basée sur les productions informelles des normes de métier. [...]
[...] Ces pratiques consistent en un ensemble de savoirs et de savoir-faire « trop faiblement codifiés pour être intégrés dans des banques de données ou faire l'objet d'une formation » (p.15). L'une des analyses les plus saillantes montre que ce dont répond la pratique du don n'a rien de rationnel et ne profite d'emblée à la logique organisationnelle. En effet, le don implique des sacrifices de la part de nombreux acteurs. Ceux qui donne le font dans le cadre de leurs activités, ce qui les oblige à rallonger leurs horaires ou à travailler avec une attention moindre. [...]
[...] En ce sens, donner c'est surtout inscrire un cadre à partir duquel certaines relations peuvent se construire. Comprendre « l'art de travailler » (p. 44) appelle donc une analyse systémique des échanges sociaux qui oscillent entre pratiques informationnelles et interactions dans plusieurs mondes qui contribuent, in fine, à définir « des normes de métier » (p.44) tel qu'il est vécu et fonctionne concrètement, indépendamment des schémas préconçus. La notion de don encadre l'ensemble des interactions qui ont cours dans le monde professionnel et permet d'en retirer les significations sociales. [...]
[...] C'est ce cadre théorique que mobilise Norbert Alter et sur lequel nous reviendrons. Selon le sociologue, ce cadre permet de comprendre avec précision la manière dont les interactions professionnelles sont fabriquées. Le concept de don permet, en effet, d'outrepasse les perspectives utilitaires et rationnelles comme le préconisent la plupart des schémas de management et de ressources humaines. Donner et prendre entend davantage étudier les interactions informelles qui ne répondent pas d'une logique a priori. Pour cela, nous questionnerons la manière dont Norbert Alter interprète les théories classiques à l'aune des organisations contemporaines pour répondre à la question suivante : en quoi le travail moderne en entreprise répond-il de logiques de fonctionnement particulières basées sur un sentiment de groupe, la coopération, comme jadis les organisations socio-politiques se fondaient sur des formes échanges pour assurer une cohésion d'ensemble ? [...]
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