Hier, Le Monde annonçait l'ouverture de la première base scientifique zéro carbone en Antarctique. Le directeur de projet de la station Alain Hubert commentait : "Si nous pouvons construire une telle station en Antarctique, alors nous pouvons le faire ailleurs dans notre société. Nous avons la capacité, la technologie et les connaissances pour changer le monde". Quelques mois plus tôt c'était au Times de dévoiler un scoop, celui d'un bébé garanti sans maladies génétiques au Royaume-Uni, et ce grâce à un test qui permettra aux couples britanniques qui recourent à la fécondation in vitro de vérifier qu'ils ne transmettent pas de maladie génétique à leur bébé. Au vieil adage "on n'arrête pas le progrès" certains opposeront pourtant d'autres faits, moins glorieux : les 110 000 morts instantanés de Hiroshima et Nagasaki, les milliers d'autres victimes de la catastrophe industrielle de Bhopal en août 1984 ou encore ceux de l'accident nucléaire de Tchernobyl en 1986. Enfin que dire du trou dans la couche d'ozone, du réchauffement climatique et de la dégradation de l'environnement en général, dont la réalité est plus difficilement quantifiable ?
Les conséquences de l'activité scientifique sont positives comme négatives, environnementales comme humaines ou biologiques, à long terme comme à court terme, connues comme inconnues...
A la question, "Faut-il encadrer l'activité scientifique ?", toutes ces options laissées en suspens ont fini par apporter une réponse positive car la science si elle est savoir est aussi technique, or son application comporte pour la société et chacun de nous, individus, des risques et choix qu'ils soient moraux, éthiques, économiques ou juridiques... Il nous appartient donc de définir les fondements et les modalités de cet encadrement.
En juin 1972, se tenait à Stockholm (Suède) une Conférence des Nations Unies sur l'environnement. Y furent évoqués les dangers pour l'avenir de la vie sur terre, la pollution de l'atmosphère par les effets nucléaires, la transformation de la guerre, par les armes chimiques et bactériologiques, en guerre "écocide" (...)
[...] La loi d'orientation de 1982 leur attribue d'ailleurs explicitement les missions d'information et de formation. Il est néanmoins important d'avoir des lois pour encadrer un certain nombre d'activités, mais on ne peut pas demander au droit d'évoluer en permanence. Un système juridique se met en place pour longtemps, pose des principes, alors que le progrès scientifique avance à toute vitesse en créant sans arrêt de nouveaux concepts. L'éthique de l'expérimentation devrait de fait constituer la première gageure contre les excès de la science. [...]
[...] L'actualité de ces débats ne doit toutefois pas nous méprendre, le rapport de l'homme à son environnement est une question originelle. Dans le Genèse, il existait déjà deux textes sur la création du monde : le premier affirme d'emblée le pouvoir de l'homme : Dieu créa le monde puis il dit à l'homme, va et soumet la terre Le deuxième -le plus ancien- place l'homme dans une toute autre posture, plus solidaire de la nature, comme un grand jardinier qui partagerait la destinée du monde. [...]
[...] Comme il y a lieu de le comprendre, avec Heidegger, l'homme tourne le dos à la prédestination cartésienne, qui faisait de lui le maître et possesseur de la nature Il reviendrait plus explicitement à l'homme de redéfinir ses rapports avec la nature, de régler les rapports de la philosophie et des sciences Il s'agirait précisément pour lui de poser un net refus à tout développement scientifique et technique incontrôlé, d'œuvrer pour la protection de l'environnement naturel, de choisir des modes de consommation plus économes et de rechercher un équilibre entre l'homme et la nature. De la nécessité actuelle d'encadrer la science : Hans Jonas Plus récemment, une réflexion sur la science et la nécessité de son encadrement a été développée par Hans Jonas. [...]
[...] L'optimisme de la croyance au progrès, symbolisé par l'esprit des Lumières, a pourtant conduit à une course effrénée au savoir, délivré par la science, celui-ci étant perçu comme neutre. De fait, comme le souligne Gérard Toulouse, directeur de Recherche au CNRS, un caractère spécifique de la science moderne (telle qu'elle s'est affirmée en Occident) est son rejet des considérations éthiques. De la naissance de la Royal Society of London (circa 1660), en passant par les écrits de Max Weber sur le métier et la vocation de savant (1919), l'insistance sera mise sur l'objectivité scientifique, et sur le concept d'une neutralité aux valeurs de la science. [...]
[...] Une éthique pour la civilisation technologique, est parti pour cela du constat que les développements déclenchés par l'agir technologique afin de réaliser des buts à court terme ont tendance à acquérir leur propre autonomie, deviennent irréversibles et finissent par échapper au contrôle, au vouloir et à la planification de ceux qui les ont engendré. Jonas lie également l'avenir de l'homme à celui de la nature : si l'homme s'oppose à la nature, il subit une déshumanisation. En ce sens, l'homme doit se rendre compte que la nature possède une dignité autonome et qu'il lui doit un respect plus qu'utilitaire. La seule issue au déséquilibre opéré par l'humain est la morale qui se doit d'accorder pouvoir, danger et raison en vue de la responsabilité. [...]
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