Toute l'histoire de la colonisation des Antilles s'articule d'abord autour de la conquête de l'espace et des populations insulaires, puis de la subjugation des masses humaines importées d'Afrique. Entre ces deux moments de l'histoire dont le premier est le temps de l'aventure outre-mer, avec ses défis, ses dangers et sa gloire et le second, celui de l'invention de la politique coloniale avec ses infamies, ses compromissions et sa honte (Delacampagne, 1983), il existe une parenthèse (un hors temps) existentielle qui voit l'avènement et la chute du créole absolu, le métis, perçu comme un messie s'opposant moralement, politiquement et ontologiquement aux normes et aux codes d'un occident grand arpenteur d'un monde à cadastrer (Bonniol, 1992). La Martinique est sans doute l'île où l'itinéraire de cet enfant, désiré par une ligne paternelle métamorphosée par le passage des Açores, puis rejeté par une maternelle patrie illuminée par la blancheur immaculée de ses conceptions religieuse et morale, peut être le plus facilement observé et analysé.
De son élection dans une société d'habitation où le père, blanc et libre, l'inclut dans un projet de civilisation en lui léguant un nom, une histoire et un patrimoine, à son éviction d'une société de plantation où le Code noir imposé par la France l'exclut en tant que personne tout en néantisant sa citoyenneté, le métis est confronté à l'impuissance absolue, sarcastiquement contenue dans le mot « mulâtre » qui le désigne et le caractérise désormais. Confronté à l'impossible construction identitaire - car désormais tous ses efforts et toutes ses luttes se fracassent contre la ligne infranchissable des races et l'impossible résolution du complexe oedipien métamorphosé en milieu colonial en complexe d'Ariel (Maignan-Claverie, 2005) - le métis sera l'objet des investissements fantasmatiques les plus contradictoires et ses représentations successives, dans la littérature, seront le reflet de son évolution sociologique.
Dépassant le strict enfermement racial et les classifications secondes, le mulâtre envahit la sphère sociale et politique en reposant la question d'une mythologie de la peau et la problématique de la lutte des classes. Mais, si l'histoire coloniale renvoie à l'engagement stratégique et douteux du mulâtre se battant pour sa réinsertion personnelle et égoïste dans le monde des humains, la poétique post-coloniale propose une issue ontologique au métis qui, dans le brouillage des origines, s'inscrit dans une réflexion sur la dualité de la condition mortelle. Dans une histoire de civilisation, le métis, représentatif de l'évolution positive des sociétés, exclut donc le mulâtre comme avatar scandaleux de la rencontre interculturelle et inter-raciale.
Mais il faut d'abord revenir à une histoire du métissage pour démêler l'imbroglio sociologique qui enserre l'identité métisse.
[...] Dans une histoire de civilisation, le métis, représentatif de l'évolution positive des sociétés, exclut donc le mulâtre comme avatar scandaleux de la rencontre interculturelle et inter-raciale. Mais il faut d'abord revenir à une histoire du métissage pour démêler l'imbroglio sociologique qui enserre l'identité métisse Co-habitation et métissage : l'élection du métis L'histoire du métissage des Antilles françaises est d'abord une relation de co-habitation interculturelle et de concubinage inter-raciale qui rapproche trois communautés dans une logique de conquête et de peuplade. [...]
[...] Le métis a donc l'assurance et le comportement arrogant que lui confère cette double certitude. Pendant près de trente ans, de 1635 à 1664, la société martiniquaise se développe en marge de la métropole et une génération de métis prend en charge le destin de l'île. 2.Rupture et Exclusion. Le retour de la Compagnie des Indes en 1664 puis la reprise en main de la Martinique par Colbert, en 1674, marque la fin de l'époque héroïque de pionniers. L'île s'intègre dans un circuit économique qui scelle désormais son destin à celui de la France. [...]
[...] Il a le sentiment vif de sa place dans cette pluralité multiraciale qui lutte, côte à côte, pour faire émerger les structures économiques de son île, lui le Natif, à la différence des ses deux parents. Il se marie, selon son désir à une blanche ou à une femme de couleur et même après le décès de son père, il est honoré de la reconnaissance de sa généalogie. Le métis est donc, dans cette société créole qui se construit, l'Elu, le fils attendu et bien-aimé. [...]
[...] La Créolité, de ce point de vue, vient combler un déficit exacerbé d'antillanité. Cependant, l'identité créole, saura-t-elle se construire, dans le grand écart qui l'ancre, à la fois, dans les structures archaïques toujours fonctionnelles d'une histoire coloniale (réalité sociologique contemporaine) ; dans la revendication autonomiste, (réalité idéologique actuelle) ; dans les construction fantasmatiques et le recours au masque : le mythe du Grand chabin (encore un métis voilé) et dans une mondialisation qui prône le métissage des peuples et des cultures en vue d'une réévaluation positive de toutes les minorités. [...]
[...] DELACAMPAGNE Christian L'invention du racisme Paris, Fayard. DELASSUS Claire Le secret ou l'intelligence interdite Le Journal des Psychologues, Marseille, Editions Hommes et Perspectives. DU TERTRE ( R.P. Jean-Baptiste ) Histoire générale des Antilles habitées par les Français - Paris, Thomas Jolly Editeurs volumes. ELISABETH Léo La société martiniquaise aux XVIIème et XVIIIème siècles. 1664-1789 Thèse de Doctorat d'Etat, soutenue à Paris I volumes. GAUTIER Arlette Les soeurs de Solitude La condition féminine dans l'esclavage aux Antilles du XVIIe au XIXe siècle - Paris, Editions Caribéennes. [...]
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