Toutefois, comment utiliser une pédagogie interculturelle comme moyen d'action sur les problèmes de société ? En quoi une démarche d'apprentissage qui appréhende l'Autre d'une manière nouvelle peut se concevoir comme un levier d'action puissant pour éveiller les mentalités aux enjeux de la diversité culturelle tout en prenant du recul par rapport aux pratiques quotidiennes ? La démarche interculturelle nécessite non seulement un apprentissage d'autrui mais aussi une introspection individuelle pour percevoir de quelle manière son propre conditionnement culturel façonne le regard sur les autres. L'enjeu de l'interculturalité réside ainsi dans la réduction des conflits et le "perfectionnement culturel". Mais pour mieux cerner l'approche interculturelle dans le contexte latino-américain, il convient de s'intéresser d'abord à ses prémices et aux programmes développés par les Etats depuis les années 80. Ensuite, nous nous étendrons sur les contradictions et les perspectives des politiques publiques à cet égard pour mettre en relief la notion d'éducation interculturelle bilingue (EBI) et ainsi comprendre les enjeux de telles réformes pour les communautés indigènes...
[...] Depuis une quinzaine d'années le concept d'éducation interculturelle bilingue est arrivé à s'imposer dans le champ politique de pays comme la Bolivie, la Colombie, le Chili, l'Equateur et le Pérou, mais restent au rang des propositions politiques au Honduras, au Guatemala et au Mexique. Cela démontre un grand changement idéologique dans les politiques et les orientations publiques indigénistes et éducatives. Toutefois, il convient de déplorer le décalage entre les déclarations d'intention et la communication officielle des décideurs publics avec la réalité observable sur place. [...]
[...] Le Centre National d'Education Maya (CNEM) au Guatemala définit le champ qui nous intéresse comme l'ensemble des processus éducatifs et politiques ayant pour finalité de renforcer les relations sociales basées sur l'équité et la reconnaissance des identités culturelles différenciées des peuples indiens. Le processus se base sur la participation pleine de tous les secteurs de la société, afin d'établir des relations qui reconnaissent, respectent, valorisent et acceptent les cultures distinctes. Cet organisme national guatémaltèque ajoute que les réformes éducatives doivent s'inscrire dans une dynamique décentralisatrice et fédéraliste. [...]
[...] Cependant, la décentralisation tend à caractériser le mouvement de désengagement des Etats centraux du secteur éducatif. La tendance à l'autonomisation des localités où se concentrent les populations indiennes ne peut évincer le défi d'une coopération régionale et continentale dans l'optique de résoudre les problèmes d'analphabétisme et sous-développement des communautés amérindiennes. Cette coopération doit être conçue comme une stratégie pour réaliser une synergie stimulant la complémentarité des idées et des efforts à l'échelle latino-américaine. Si les Etats membres de l'OEA (Organisation des Etats Américains) se montrent sensibles à la problématique de l'EBI, ils tardent à appliquer à l'échelle continentale les principes proclamés depuis le 2nd sommet des Amériques à Mexico en 1999. [...]
[...] Ainsi, à côté de tentatives de rénovation et de changements des programmes, les politiques d'ajustement structurel et les perspectives de flexibilité du travail ont généré dans ce pays l'opposition du corps enseignant à la reforme. Ce dernier s'est considéré à juste titre comme le facteur le plus important dans l'orientation et l'instauration d'un quelconque programme éducatif. Parmi les programmes d'éducation rurale en Amérique latine les enseignants se distinguent par une formation trop partielle ou incomplète, donc peu préparés à l'éducation bilingue interculturelle. [...]
[...] Au Pérou environ de la population du pays parlent une ou plusieurs des 44 langues amérindiennes pratiquées dans ce pays et arrivent à l'école avec une connaissance en général limitée de l'espagnol. Les enseignants et les éducateurs indigènes ayant une expérience de l'enseignement de la langue maternelle dans les communautés rurales du Pérou ont rédigé les manuels distribués par le Ministère de l'éducation péruvien. Ils décrivent certains aspects de la vie quotidienne des enfants indigènes et s'appuient également sur les connaissances traditionnelles, les croyances et les pratiques culturelles, considérées comme le fondement de l'apprentissage et comme un moyen de se rapprocher d'un programme scolaire officiel de style occidental. [...]
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