Les écoles d'élite ont deux caractéristiques principales. D'une part, elles pratiquent une sélection sévère à l'entrée. D'autre part, elles ont un rôle essentiel dans la formation d'individus qui occuperont, à la sortie, des positions de pouvoir ou d'influence, dans l'administration, la politique ou l'économie. Bien que n'étant pas situés de la même manière dans leur champ universitaire respectif, Sciences Po et Oxford correspondent à cette définition.
Il est intéressant de se demander si, parallèlement à la démocratisation des systèmes d'enseignement supérieur français et britannique, ces deux établissements permettent à une proportion importante d'étudiants issus des classes populaires ou moyennes, en les recrutant, de faire l'expérience d'une mobilité sociale ascendante ou si ces écoles ne font que contribuer à la reproduction des hiérarchies sociales.
Le constat de la sous représentation des catégories défavorisées dans les institutions d'élite (I) nécessite une explication sociologique (II).
[...] Les épreuves d'histoire et de langue sont statistiquement les plus socialement discriminantes[17]. En ce qui concerne l'entretien à Oxford et à l'IEP, l'évaluation de la personnalité et des motivations est souvent guidée par la question : ai-je envie de travailler avec ce candidat ? Le jury, appartenant principalement aux classes supérieures cultivées, peut avoir tendance à éprouver une affinité élective plus importante pour les candidats issus du même milieu. Malgré les différences dans les modalités de sélection, la sous représentation des classes défavorisées à Sciences Po et Oxford montre que ces écoles ne sont pas un moyen numériquement important d'ascension sociale. [...]
[...] En ce qui concerne les classes populaires et moyennes, les enfants d'employés sont 6 fois moins représentés qu'à l'Université, les enfants d'ouvriers 12 fois moins. Le réajustement marginal des Conventions d'Education Prioritaire[2] ne modifiera que peu et lentement cette tendance lourde[3]. B. Le cas de l'Université d'Oxford Oxford n'est différente d'une autre université britannique que par son ancienneté, son prestige, sa procédure de sélection et les débouchés professionnels offerts. Pour le recrutement, la principale spécificité est l'usage d'un entretien d'admission, en plus d'un dossier[4]. Parallèlement au fait qu'une proportion importante d'étudiants provienne d'une public school[5], les classes supérieures sont surreprésentées[6]. [...]
[...] Un premier bilan montre que Sciences Po et Oxford ont une composition sociale similaire qui ne permet qu'à une faible proportion d'étudiants issus des classes populaires et moyennes de faire l'expérience d'une ascension sociale importante. Pourtant, le constat statistique ne suffit pas. Comment expliquer sociologiquement ces inégalités sociales de représentation dans les écoles d'élite ? II. Pistes explicatives En France et en Grande-Bretagne, les catégories modestes ont de moins bons résultats à l'examen final de l'enseignement secondaire[7], ce qui explique une partie de leur sous représentation à l'IEP et Oxford. Cependant, ceteris paribus, une différence systématique en défaveur des étudiants défavorisés existe[8]. L'explication en terme d'inégalités scolaires préexistantes est donc insuffisante. A. [...]
[...] On peut ainsi avancer que toute socialisation réussie tend à obtenir des agents qu'ils se fassent complices de leur destin B. Inégalités de sélection, capital économique et capital culturel A Sciences Po, le capital économique intervient au niveau du recours à des instituts de préparation, ainsi qu'au niveau des droits de scolarité et du coût de la vie à Paris. Malgré la progressivité des frais d'inscription et les bourses, l'étude du revenu médian des parents des étudiants de l'IEP[12] suggère que la possession de capital économique constitue un avantage. [...]
[...] Il s'agit du Baccalauréat en France, ses pendants britanniques étant le GCSE et le A'Level. Voir graphique 2 et BOLIVER, Vikki, Widening Participation and Fair Access Sociology Working Paper, Department of Sociology of the University of Oxford Voir tableaux 5 et 6. Voir tableau 7. BOURDIEU, Pierre, La noblesse d'Etat, Editions de Minuit p 69. Voir FITOUSSI, Jean-Paul (dir.) et CHAUVEL, Louis (rapporteur), Réforme du système des droits de scolarité et d'aide financière aux élèves de Sciences Po Rapport de la commission remis au directeur de Sciences Po Le revenu médian des parents des étudiants de Sciences Po appartient au dernier décile du revenu français (plus de net imposable par part). [...]
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