Tout le monde a été surpris et choqué par l'extraordinaire violence qu'ont connue les banlieues françaises en octobre - novembre 2005. Survenue à la suite d'un évènement isolé déclencheur de la situation, il n'était pas possible de prédire cette flambée de violence qui, bien que contingente, n'en porte pas moins un sens profond à rattacher à ce que nous connaissons de la situation des banlieues dites « sensibles ».
En dépit de l'origine ethnique de la plupart des jeunes émeutiers, tous les témoignages et les observations rapportés indiquent que ces manifestations de violence ne portaient pas de projet clair ou de revendications particularistes. Nous avons eu affaire à une violence « pure » sans but manifeste, ayant pour cible les institutions sociales comme les écoles, les bibliothèques, les casernes, les voitures de pompiers, les autobus, etc.…
Comme le rappelle Dominique Schnapper, les jeunes révoltés, pour la plupart originaires de l'Afrique sub-saharienne, sont majoritairement français, nés en France et scolarisés dans les établissements de la République. Bien que la sociologue refuse d'employer les termes de « deuxième » ou de « troisième génération » - termes qui relient exclusivement ces jeunes à la migration des générations précédentes – elle note l'importance de cette histoire migratoire. Le Mouvement des indigènes de la République en est un indicateur. En effet, nombre d'enfants ou de petits-enfants de migrants se sentent considérés comme des « indigènes » et réinterprètent leur condition sociale en fonction de cette histoire.
[...] Dans le second modèle, l'assimilation culturelle n'est pas accompagnée de l'assimilation structurelle. Il en va ainsi des descendants des migrants venus du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne. Enfin, dans le dernier modèle, l'assimilation structurelle est réussie alors que l'assimilation culturelle est incomplète. C'est le cas de figure pour les populations turques et asiatiques. Une enquête comparative menée conjointement en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne accrédite cette théorie. Les enquêtés sont des enfants de migrants âgés de 18 à 25 ans, nés ou arrivés dans leur pays d'installation avant l'âge de six ans. [...]
[...] Cependant, Dominique Schnapper, à l'instar de Robert Castel, souligne le fait que les difficultés d'intégration rencontrées par ces populations marginalisées ne leur sont pas directement imputables. Elles reflèteraient en fait l'affaiblissement de la capacité intégratrice de la société nationale d'une part et, d'autre part, lèveraient le voile sur le rapport que les nationaux entretiennent avec les Autres. Ainsi, l'intégration économique de ces populations n'est plus assurée par l'Etat français. Comme souvent les jeunes issus de l'immigration appartiennent aux classes populaires de la société, ils sont les premiers touchés par la crise économique. [...]
[...] Dominique Schnapper avance l'hypothèse selon laquelle l'affaiblissement de la capacité intégratrice de l'Etat français est lié à la transformation du modèle républicain en modèle démocratique. Par la fréquentation de l'école du citoyen et la participation au monde du travail, les immigrés contribuaient au mythe républicain et au patriotisme français. L'idée de faire passer l'intégration par la citoyenneté et le travail reste bonne, mais est aujourd'hui beaucoup moins efficace que par le passé. Notre société démocratique est largement dépolitisée et ne contribue plus à entretenir une conscience d'elle-même, réunissant sa population autour de valeurs communes ou d'un projet politique clair. [...]
[...] Bien sûr, l'Etat providence compense les formes extrêmes de la misère sociale. De la logique de l'assurance, il est passé à celle de l'assistance. Or, l'assistance est vécue par ses destinataires comme une expérience humiliante qui les disqualifie et renforce leur identité négative. L'humiliation née du chômage et du recours à l'assistance est renforcée par la ségrégation spatiale qui contribue à la mise à l'écart de ces populations marginalisées. Pour l'auteur, la concentration dans un quartier d'une forte population jeune est liée à la violence des émeutes. [...]
[...] Les jeunes issus de l'immigration nourrissent donc les mêmes aspirations que l'ensemble de la population, mais ne disposent pas des mêmes moyens pour les concrétiser. Ceci peut les amener à user de moyens illégaux et à les faire sombrer dans la délinquance. De la théorie de l'assimilation segmentée se dégagent trois modèles d'intégration. Les variables de l'assimilation culturelle et celle de l'assimilation structurelle restent primordiales. En premier lieu, les deux modalités de l'assimilation, culturelle et structurelle, vont de pair. C'est le cas des descendants des migrants espagnols. [...]
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