C'est un fait que dans toute société moderne se retrouvent les mêmes structures sociales, soit les classes, les groupes et les catégories. Or les transformations économiques, politiques et sociales de ces derniers siècles, et plus particulièrement pour nous ici, du XX° siècle et de la période d'après-guerre, ont entraîné un besoin de « réactualisation » des définitions des composantes de ces structures, ainsi que la création, puis l'affirmation, de nouvelles « pièces » de la société, comme la jeunesse. Selon Gurvitch, un groupe social est ainsi « une unité réelle, mais partielle, directement observable et fondé sur des attitudes communes, continues et actives, ayant une oeuvre commune à accomplir ».
S'appuyant sur ces travaux préparatoires, il semble, à l'heure (entamée déjà depuis de nombreuses années il est vrai) de l'agrandissement du fossé inter-générationnel, légitime de s'interroger sur le statut qu'occupe cette jeunesse essentielle et désormais si chère à la pensée occidentale ; les jeunes constituent-ils un groupe social ?
Nous verrons qu'il existe bien une « culture jeune » en opposition à celle des adultes, mais que cette jeunesse est en elle-même très hétéroclite et ne forme pas un groupe social.
[...] On constate donc des caractéristiques, des attitudes communes chez les jeunes, qui font d'eux une catégorie sociale ; mais en aucun cas la jeunesse ne peut constituer un groupe social. Un groupe social nécessite en effet une unité sociale durable, ce qui n'est bien entendu pas le cas d'une tranche d'âge, ainsi qu'une situation et une œuvre commune à accomplir, ce qui n'est pas non plus une réalité, la jeunesse connaissant une diversité innée (celle des inégalités sociales d'origines) et une diversité acquise ; celle qui la conduit au monde adulte. [...]
[...] Ainsi, cette diversité innée, sur laquelle les individus n'ont évidemment pas prise, va être incarnée par les inégalités sociales. Inhérente à une société capitaliste, ces inégalités sociales, plus ou moins marquées suivant les pays, se traduisent en premier lieu par des inégalités de revenus (en France, les 10% les plus riches gagnent environ 10 fois plus que les 10% les plus pauvres), qui vont entraîner par la suite tous les autres phénomènes inégalitaires (géographiques, etc). De cette manière, la jeunesse va être divisée exactement de la même manière que les adultes aux intérêts, manières, mœurs et moyens différents et parfois divergents, et ce malgré l'uniformisation culturelle citée en première partie, qui n'a pas le pouvoir d'effacer les inégalités spatiales, d'information, etc. [...]
[...] Ainsi, la jeunesse n'est devenue une réalité sociale que très récemment, grâce à l'école publique, laïque, et obligatoire, soit à la démocratisation de masse des études, les individus passant auparavant directement de l'état d'enfant à celui d'adulte. Le temps scolaire devient alors le premier point de définition de la jeunesse. Mais cette période nouvelle est peut-être, ou surtout, une période d'indétermination et d'expérimentation ; c'est en effet durant leur jeunesse que les individus façonnent leur personnalité, leurs opinions, leurs goûts ; on citera notamment, pour la plupart, l'éveil d'une conscience (et préférence) politique, comme exemple incarnant le caractère de construction de la personne. [...]
[...] Ici se pose donc le problème des inégalités sociales ; sont-elles justes, ou injustes ? [...]
[...] Cette phase de flottement préalable à la stabilité professionnelle est aussie vraie dans le domaine familial ; la jeunesse correspond ici à une période préliminaire à la formation d'une union durable et à la fondation d'une famille, d'où stabilité adulte de la vie tant affective que sociale (la famille étant une institution au sens sociologique prépondérante). Toutefois, le jeunesse n'est pas une catégorie aux caractéristiques fermées et stables. En effet, celle-ci connaît une évolution qui fait d'elle une période de la vie des individus de plus en plus longue ; elle ne comprend plus aujourd'hui que le temps de la scolarité, mais également la phase d'insertion professionnelle, qui elle-même tend à s'allonger. [...]
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