Si la catégorie savante d'espace public renvoie à une vision idéalisée de celui-ci comme lieu de rencontre avec l'altérité, de point de raccord entre individus, classes et ethnies à la base de la formation d'une identité proprement « citadine » et « citoyenne », la perception des espaces publics dans nos sociétés est profondément différente.
En tant que lieu où les « différents » peuvent se côtoyer, l'espace public traditionnel semble être perçu de plus en plus comme le lieu d'affrontement par excellence, un espace d'insécurité qui n'ayant pas de propriétaire ne peut pas être efficacement protégé. La rue, le parking, le parc loin d'être considérés comme lieu de la citoyenneté sont imaginés comme lieux « à risque ».
Si selon la terminologie américaine de « defensible espace » (espace défendable) ils existent des types d'espaces foncièrement propices aux actes délictueux, l'espace public en est un : de par sa liberté d'accès il est naturellement indéfendable de la délinquance urbaine et de l'« incivisme » a fortiori dans des sociétés démocratiques où la présence des forces de l'ordre n'est pas systématique.
Le constat d'un espace public « criminogène » n'est pourtant pas nouveau et prend ses sources de l'hausmannisation qui au milieu du XIXe siècle répondait déjà à des exigences d'ordre public en faisant référence à une architecture de « prévention situationnelle » où l'aménagement des espaces voudrait « prévenir le crime ».
La « politique de la ville » inaugurée en France par la Loi Pasqua de 1995 renforce en effet l'importance du critère d' « ordre public » pour les permis de construire, notamment dans des zones sensibles, ainsi que tous les dispositifs permettant une meilleure surveillance des espaces publics.
[...] Le parc de Disney World a en effet fini par assumer un rôle d'espace public traditionnel dans l'aire urbaine de Los Angeles avec d'une part le refus de la part des visiteurs de toute appropriation communautaire du parc (les journées gay organisées sur le site de Disney World de Los Angeles suscitent des protestations qui vont bien au-delà de l'homophobie : il s'agit d'affirmer la publicité d'une Disneyland qui appartient à tout le monde et de l'autre l'adoption d'un certain code de conduite à l'intérieur du parc qui semble bien correspondre au rôle civilisateur et de cohésion sociale de l'espace public traditionnel. Forte de cette expérience la compagnie Disney s'est lancée à la fin des années '80 dans le développement de projets d'aménagement urbain offerts clefs en main aux municipalités à travers sa filiale Disney Development. L'exemple le plus parlant de ce partenariat public privé dans la création d'espaces publics est celui de la ville d'Anaheim dans les suburbs de Los Angeles en Californie. [...]
[...] Condition sine qua non de la démocratie. La question sociale à l'heure de la ségrégation urbaine et la migration du symbole de l'espace public hors de la ville Les marginaux, des exclus des nouveaux espaces publics Si une vision idéalisée des espaces publics traditionnels pourrait nous amener à considérer avec nostalgie la rue marchande du XIXe siècle et mépriser les nouveaux espaces publics (ou espaces ouverts au public) au nom d'une vision marxiste qui considérerait la privatisation de ceux-ci comme un asservissement de l'homme aux mécanismes capitalistes de consommation et d'accumulation, cela reviendrait à oublier que l'espace public de jadis n'était pas moins inégalitaire que celui d'aujourd'hui. [...]
[...] Il est en effet impératif d'introduire ici la notion d' espace ouvert au public qui semble se substituer à celle d'espace traditionnel. Paradoxalement, l'accès au public - c'est-à-dire à la socialisation et à l'urbanité- devient payant et sélectif L'accès à Alto Palermo est bel et bien restreint et son espace contrôlé par des dispositifs sécuritaires de filtrage et de surveillance. Certains individus peuvent se voir refuser l'entrée dans cet espace public sur des critères liés essentiellement à l'apparence. On a dès lors une définition des nouveaux espaces publics qui ne sont finalement qu'« ouverts au public : si l'espace public traditionnel se caractérise, du fait de sa mixité par un risque de confrontation avec autrui débouchant sur des conflits, l'espace ouvert au public veut à tout prix éviter ce danger. [...]
[...] L'espace public permanent et de tous les jours est donc quasiment monopolisé par l'initiative privée. Privatisation et marchandisation des espaces publics Urbanisation Vs Métropolisation Cette apparition du secteur privé dans la gestion des espaces publics rend nécessaire une nouvelle catégorisation qui signe la fin de l' urbanisation au profit de la métropolisation Si la première visait à une croissance continue et à partir d'un pôle central faite par les pouvoirs publics, la deuxième indique une volonté d'application de la logique d'efficacité économique capitaliste aux territoires et une croissance différentielle des territoires sous l'impulsion du secteur privé. [...]
[...] Ils sont simplement cachés aux yeux des citoyens consommateurs qui (tout en étant conscients de leur existence) acceptent de s'isoler dans un espace qui ne les leur montre pas. Mais la création d'un espace public privatisé et policé n'est-elle pas alors le symptôme d'une dépolitisation de la ville ? Comment peut-on faire société alors qu'on n'est en contact qu'avec les semblables et que les différents sont exclus de notre espace de sociabilité ? La nécessité de réinventer l'espace public. La fin d'un espace public urbain véritablement politique ? [...]
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