« Que la noblesse est un grand avantage, qui, dès dix-huit ans, met un homme en passe, connu et respecté, comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans ! C'est trente ans gagnés sans peine. » Dans cette citation, Blaise Pascal nous interpelle afin de réfléchir aux modalités d'accession à un statut, en l'occurrence celui de noble.
Alors que sous l'Ancien Régime la distribution des positions sociales était largement le fruit de l'hérédité, dans nos sociétés modernes industrialisées, particulièrement la France, l'idéal méritocratique s'est imposé avec pour opérateur principal l'Ecole. C'est par la démocratisation de l'enseignement, c'est-à-dire la diffusion dans toutes les couches de la population de l'instruction scolaire, que les sociétés modernes entendent promouvoir une mobilité sociale, affranchie des origines de l'individu, et ne reposant que sur son mérite.
Si l'on se réfère au pionnier de ces interrogations, P. Sorokin, on peut définir la mobilité sociale comme le trajet d'un ou de plusieurs individus dans l'espace social. Traditionnellement, ces trajectoires sont appréhendées par l'évolution de la profession, et ce d'une génération à l'autre. Dès lors, on peut se demander si l'institution scolaire parvient effectivement à réaliser cet idéal méritocratique. Le milieu social d'origine est-il encore déterminant dans l'acquisition des positions sociales ? Quelle est l'influence du niveau de diplôme dans le processus de mobilité sociale ?
Pour éclaircir ce propos, nous observerons que la démocratisation de l'enseignement français après la Seconde Guerre mondiale s'est accompagnée d'une importante mobilité sociale ascendante. Ensuite nous verrons que ce lien s'est fortement affaibli suite à la dévaluation des diplômes.
I) La démocratisation de l'enseignement accompagne la mobilité sociale...
A) L'évolution de la mobilité sociale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
L'analyse des tables de mobilité révèle une hausse de la mobilité observée depuis le milieu du XXe siècle. En effet, la catégorie professionnelle du père se maintient se moins en moins fréquemment tout au long de la période. Alors qu'en 1953 50,7% des hommes étaient classés dans la même catégorie sociale que leur père, ils ne sont plus que 35,1% en 1993. Cette tendance se vérifie également chez les femmes, et de manière encore plus prononcée, avec une diminution de la part des immobiles d'environ 25 points, passant de 47,6% en 1953 à 22,9% en 1993. (...)
[...] À partir des générations nées dans les années 1960, les études statistiques relèvent un relâchement du lien entre le niveau de diplôme et la position sociale. La réduction du poids accordé au diplôme dans l'allocation des positions sociales se fait au profit de celle de l'ascendance paternelle. L'origine de ce phénomène est à trouver dans la dévaluation dont on fait l'objet les diplômes depuis les années 1980. En effet, l'arrivée en masse des nouveaux collégiens, lycéens, puis étudiants au sein de l'institution scolaire a entraîné une inflation des diplômes distribués. [...]
[...] Même si au niveau de la population globale les inégalités scolaires se sont résorbées durant la deuxième moitié du XXe siècle, certaines inégalités plus spécifiques se sont accrues, comme en témoigne l'analyse conditionnelle adoptée par L-A Vallet et Marion Selz dans leur article La démocratisation de l'enseignement et son paradoxe apparent En effet, si l'on considère la population des titulaires du baccalauréat, on constate que l'inégalité d'accès à un diplôme de l'enseignement supérieur s'est accrue de manière continue entre les générations nées dans les années 1920 et celles nées dans le milieu des années 1970. Ces conclusions viennent relativiser les bénéfices de la démocratisation scolaire en termes de mobilité sociale, dans un contexte où seuls les très hauts diplômes ont encore une influence sur la distribution des positions sociales. Certains auteurs comme Pierre Bourdieu concluent à un glissement de la sélection sociale au sein de l'institution scolaire. [...]
[...] Sujet : Démocratisation de l'enseignement et mobilité sociale. Que la noblesse est un grand avantage, qui, dès dix-huit ans, met un homme en passe, connu et respecté, comme un autre pourrait avoir mérité à cinquante ans ! C'est trente ans gagnés sans peine. Dans cette citation, Blaise Pascal nous interpelle afin de réfléchir aux modalités d'accession à un statut, en l'occurrence celui de noble. Alors que sous l'Ancien Régime la distribution des positions sociales était largement le fruit de l'hérédité, dans nos sociétés modernes industrialisées, particulièrement la France, l'idéal méritocratique s'est imposé avec pour opérateur principal l'Ecole. [...]
[...] L'origine de ces importants flux de mobilité est à trouver dans les transformations structurelles dont la France a fait l'objet depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L'exode rural et le développement du secteur industriel ont modifié la distribution socioprofessionnelle. La réduction de la part des agriculteurs dans la population active s'amorce dès les années 1900. Alors qu'ils représentaient 44% des actifs en 1901, ils ne sont plus que en 1990. Le délaissement du secteur primaire se fait au profit du secteur industriel alors en pleine expansion, avec un essor sans précédent du travail salarié. [...]
[...] Désormais, cette sélection s'opère dans l'enseignement supérieur et non dans l'enseignement secondaire comme ce fut le cas antérieurement. Elle est d'autant plus inégale, selon lui, qu'elle s'appuie sur des critères autres que scolaires, comme la maîtrise de la culture légitime, faisant partie d'un capital culturel inégalement distribué. Ce capital culturel est largement fonction du milieu social de naissance et assure aux enfants des classes dominantes une trajectoire semblable à celle de leurs parents, vers les positions sociales les plus prestigieuses. [...]
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