Dans quelle mesure les lieux de mémoire sont-ils témoins de mémoires mouvantes et fluctuantes ?

Thèmes abordés

Lieux de mémoire, souvenirs, évènements historiques, émotion, symbolisme, devoir de mémoire, passé

Résumé du document

Comment, de nos jours, interprète-t-on les éléments du passé ? J'ai choisi aujourd'hui de me concentrer sur un élément de cette réponse : l'importance des lieux de mémoire pour raconter le passé. Lorsque Pierre Nora, prestigieux historien contemporain, publie l'ouvrage Les Lieux de mémoire, il permet dès les années 80 d'assimiler des lieux de toutes sortes à des évènements du passé. Ces lieux gardent alors une trace d'un souvenir, qui, pour la plupart du temps, est traumatique. Les lieux de mémoires abritent alors des faits historiques passés, mais également des témoignages autour de ces faits. La force émotionnelle des lieux de mémoire est d'autant plus importante dans la mesure où ils peuvent retransmettre la douleur liée à ces évènements passés. Les lieux de mémoire peuvent prendre des formes différentes : ils peuvent être des lieux où des évènements importants se sont réellement déroulés, ou peuvent être choisis symboliquement même s'il n'y a aucune corrélation avec l'évènement passé. Les lieux de mémoire sont pertinents pour suivre l'évolution, ou parfois la création de la mémoire.

Extraits

[...] Y a-t-il mémoire lorsque l'on omet ? Cela pose alors l'importance mais surtout la complexité à utiliser les mots les plus justes possibles sur un sujet du passé. Benjamin Stora répond à une interview retranscrite sur Le Monde, dans l'article Benjamin Stora : « Les Algériens sont en attente d'une vérité sur leur propre histoire », au sujet du rapport sur la réconciliation mémorielle autour de la colonisation et de la guerre d'Algérie. Dans cette interview, il évoque surtout la complexité qui s'expose à l'Algérie quant à la mémoire. [...]

[...] Dès 1950, Maurice Halbwachs, dans La mémoire collective, opère une distinction entre la mémoire collective et la mémoire individuelle. « Nous faisons appel aux témoignages, pour fortifier ou infirmer, mais aussi pour compléter ce que nous savons d'un évènement dont nous sommes déjà informés de quelque manière, alors que, cependant, bien des circonstances nous en demeurent obscures. Or, le premier témoin auquel nous pouvons toujours faire appel, c'est nous même ». Cependant, la mémoire individuelle est aussi le résultat dont nous façonne une certaine mémoire collective. [...]

[...] Dans une volonté de « réparer » ce passé douloureux a été créé le Mémorial de l'abolition de l'esclavage, inauguré en 2012. On voit alors clairement que ce lieu s'est réapproprié la ville dans le but de désapprouver le passé colonial de la ville. Les institutions peuvent alors jouer un rôle de réparation du passé en admettant les faits, mais dans le même temps, en les banalisant. Cependant, l'Etat français semble avoir encore du chemin à faire lorsqu'il s'agit de reconnaître les conséquences de son passé colonial. [...]

[...] Peut-on pourtant vraiment dire qu'une mémoire est plus légitime qu'une autre de se trouver sur le lieu ? D'un autre côté, même si cette guerre des mémoires semble séparer encore davantage les protagonistes d'un évènement passé, il est au contraire certain que toutes ces mémoires partagent au moins une chose en commun lorsqu'il s'agit de lieux de mémoire. Chaque lieu de mémoire est pour sûr un espace rempli d'émotions, de souvenirs, mais aussi de faits réels ; et ce quelle que soit la mémoire qui ressort de ce lieu. [...]

[...] De plus, les harkis rejettent foncièrement les mémoires franco-algériennes. Dans l'article Les harkis et leurs descendants s'estiment toujours « indésirables » des mémoires franco-algériennes, Mustapha Kessous évoque de la part des harkis un rejet de la mémoire et plus particulièrement un rejet des recommandations de Benjamin Stora. Mme Kerkouche une des représentantes des harkis, déclare dans l'article « Pour moi, le rapport n'oublie pas les harkis, il les enterre ». Elle critique le fait que la France n'a toujours pas reconnu le rôle qu'elle a joué en abandonnant les harkis. [...]