Ainsi, l'éthique, potentiellement problématisée comme objet de dilemmes, offre la possibilité de renouveler les problématiques de la conflictualité, par delà l'effet de masque que la controverse éthique tend à produire. En même temps qu'elle tente de circonscrire le débat sur l'éthique et la responsabilité, la controverse démultiplie les acteurs et les relations complexes qu'ils nouent entre eux. La mise en discussion des conditions du développement des pratiques éthiques, même celles qui sont recommandées au titre de l'institutionnalisation officielle dominante, rend possible la diffusion des problématiques de la justice sociale. Et derrière le débat économique orthodoxe sur les conditions et les limites de l'économie de la justice redistributive (Clément et al., 2008) pointe celui qui fait converger théories de la justice et théories de la reconnaissance (Honneth, 2010; Renault, 2004; Fraser, 2005). La controverse éthique est alors face à la nécessité d'intégrer dans ses perspectives celles du renouvellement du dialogue et de la délibération sociale. Elle ouvre le débat et permet aux acteurs de se positionner sur des hypothèses fortes concernant les dynamiques sociales à l'œuvre dans l'espace public ; en premier lieu celles qui font de la norme de la parité de participation à la vie démocratique (Fraser, 2005) une des bases essentielles de toute identité éthique (Robeyns, 2003) et, pour cela, d'un renouveau de la vie éthique.
[...] Et s'il y a divergence ou désaccord, c'est par rapport à des règles ou à des normes, et dans la mesure ou règles et normes impactent l'activité. Il n'y a pas, a priori, divergence ou désaccord sur des idées ou des valeurs. S'il y a des règles et des normes, c'est du fait des interactions dans l'exercice des activités, et s'il y a divergence et désaccord, il y a potentiellement conflit. Cette conflictualité potentielle est inhérente au monde commun et liée à la pluralité des personnes qui l'habitent et à la nature des rapports qui lient ces personnes dans l'exercice de leurs activités de travail. [...]
[...] Je propose ici une première exploration de cette controverse éthique. Pour ce faire, j'examinerai la façon dont les principaux manuels d'éthique économique argumentent les questions au cœur de cette controverse. Cette exploration suivra trois pistes : le rapport de l'éthique à l'économie ; la conception sous jacente du sujet ; enfin, les spécificités attribuées à un supposé agir éthique combinant organisation et décision éthiques au travers de propositions en matière de gouvernance éthique La première piste nous conduit à examiner si les manuels d'éthique des affaires traitent la question des rapports de l'éthique à l'économie et à la transformation sociale, et, si c'est le cas, de quelle façon ? [...]
[...] Il faut, de ce fait, comprendre les processus d'interaction, et l'intersubjectivité qui s'y manifestent. Le poids respectif des deux dimensions de la conflictualité que représentent, d'un côté, les questions de la reconnaissance et, d'un autre côté, les questions de la justice sociale et de la redistribution, peut alors apparaître et permettre aux acteurs de se positionner sur ces deux dimensions. Nous sommes alors loin d'un débat en substance sur les valeurs considérées comme autant de prises de position, et d'arbitrages entre des consciences morales portées par des individus absolutisés (Taylor, 1998). [...]
[...] Par hypothèse, je pose que oui. Mais les réflexions sur l'éthique en entreprise, notamment telles qu'elles sont synthétisées dans ces manuels se font-elles l'écho de liens avec la conflictualité dont on sait par de nombreuses études qu'elle demeure tout en se transformant L'un des aspects de cette controverse éthique, et peut être pas la moins importante, est de bien délimiter les champs de problématiques et de rendre difficile leurs convergences. Les acteurs professionnels et institutionnels de l'éthique restent bien distincts de ceux mobilisés sur les questions du dialogue social traditionnel. [...]
[...] Parmi ces matériaux, les livres, les manuels qui se sont multipliés, sont parmi les principaux supports de cette controverse ; ne serait-ce que parce qu'ils alimentent les formations et les colloques, qu'ils font l'objet de présentations dans la presse, etc. De quoi ces manuels se font-ils l'écho ? Nous présentent-ils tous les éléments utiles à la compréhension de tous les aspects dominants et dominés de cette controverse ? Faut-il les mettre en résonnance avec d'autres matériaux, rendant compte d'autres propositions théoriques, d'autres champs de problématique pour prendre en compte tous les aspects de cette controverse ? [...]
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