Méthodologie en Sociologie à partir du "Guide de l'enquête de terrain"

Résumé du document

"Toute l'ethnographie se présente comme une tension entre familiarité et étrangeté : soit qu'elle s'efforce de rendre familier ce qui est étranger (...) soit qu'elle s'efforce de rendre étrange ce qui est familier" (p.47)

C'est ainsi, qu'en début d'ouvrage, Stéphane Beaud et Florence Weber s'efforcent de rappeler brièvement mais très clairement les enjeux principaux d'une enquête de terrain ethnographique. Ayant pour objectif d'expliciter ce grand principe, les auteurs vont alors décrire, de manière plutôt classique, les différentes étapes d'une enquête de terrain ethnographique. Néanmoins, un aspect original valorisé par les auteurs paraît important à mettre en avant : la présence de nombreux exemples de travaux détaillés. Il y a donc une véritable volonté didactique de travailler sur ce qui a été fait. L'autre souci, apparent, des auteurs est de travailler autour de thèmes proches des préoccupations et des modes de vie des étudiants (qui sont, pendant leur apprentissages, les grands lecteurs des ouvrages de méthodologie). Une grande impression d'exhaustivité ressort de façon évidente tout au long de l'ouvrage : j'ai d'ailleurs trouvé des situations correspondant à mon enquête, décrites de manière très précise.

L'objectif de cette note de lecture ne va donc pas être de répéter ou de résumer ces phases mais plutôt d'essayer de comprendre les grands enjeux d'une enquête de terrain ethnographique. Il s'agit ainsi de relever et d'assimiler ce que j'ai appelé les missions à honorer puis les attitudes sur lesquelles les auteurs reviennent avec insistance tout au long de l'enquête. Ou, dit autrement, tenter de définir un idéal-typique (pour utiliser un concept de Max Weber) des façons de faire de l'ethnographe face à l'enquête de terrain.

[...]
L'observation et l'entretien sont incontestablement des actes que l'on peut qualifier de militant (la définition du Dictionnaire usuel illustré de 1981 est la suivante : Qui lutte, qui oeuvre à la manière d'un combattant). Cette définition est largement applicable lorsque les auteurs parlent de "rendre la parole aux humbles, à ceux qui par définition n'ont jamais la parole" (p.8) ou encore "rendre justice à, voire réhabiliter, des pratiques ignorées, mal comprises ou méprisées" (p.9). Les auteurs utilisent d'ailleurs un vocabulaire assez marqué idéologiquement, même s'ils le mettent entre guillemets, lorsqu'ils évoquent les pratiques des "dominés" face au regard des "dominants" (p.9). Selon les auteurs, il est d'ailleurs plus fréquent de travailler sur le vécu des dominés (...)

Extraits

[...] ) Chaque article est le produit d'une micro-histoire ( . ) La presse locale est donc pour vous l'occasion d'entrer dans l'enquête, de vous couler dans un espace public autorisé »(p.87). Une fois que l'on a réussi a entrer en contact avec eux en parlant, dans un premier temps de ce qu'ils font (p.221), il faut s'adapter à eux et non le contraire, n'oublions pas que nous les avons sollicités sans leur offrir de rémunération (dans la plupart des cas) pour le temps qu'ils vont nous consacrer. [...]

[...] Dans certains cas, il faut ainsi éviter de mettre en valeur ce qu'ils appellent les symboles de travail intellectuel (p.199). Mener une bonne enquête , c'est aussi s'interesser au vécu de l'homme ordinaire : ses passions, son parler, ses expériences.Il faut s'intéresser à autrui de manière authentique, donner beaucoup de soi et plus simplement être personnellement et fortement impliqué dans l'enquête (cf. Favret Saada (p.16) . Néanmoins, parfois, dans l'intérêt de l'enquête, il faut accepter de ne pas être totalement sincère et jouer à l'acteur : Apprenez à jouer pleinement de ce jeu de la distance et de la proximité , en manifestant tour à tour vos propres sentiments de suprise, de fausse naïveté, de sincère empathie (p.219) Contextualiser constamment ses idées en utilisant les apports de l'histoire Le travail de contextualisation permet de donner du sens à son propos, son thème et de prendre un certain recul critique contextualisation des données ethnographiques (Bensa ) sera votre garde-fou contre toutes les généralisations hâtives ou indues »(p.252) Dès l'étape du choix du sujet, il faut déjà prendre conscience du lien entre le choix de notre sujet et notre propre contexte de vie car, selon les auteurs, on sait que la plupart des oeuvres de grand sociologues peuvent être analysées comme des autobiographies déguisées »(p.36). [...]

[...] Ce respect passe, bien évidemment, par l'auto-imposition de règles déontologiques (p.116) mais aussi et surtout par la volonté de maintenir un rapport privilégié avec l'enquêté en ayant toujours à l'esprit qu'ils ne sont pas des êtres désincarnés, ce sont des êtres en chair et en os (p.265) . En bref, l'enquêté n'est pas un simple matériau (même s'il le devient plus ou moins lors de l'étape de l'analyse des données) : le considérer ainsi aurait d'ailleurs de graves conséquences durant la phase des entretiens. [...]

[...] Certains d'entre eux, comme ceux que je vais citer, s'avèrent être pertinents et adaptés aux étudiants : considérer l'enquête comme un vrai travail avec des contraintes à suivre .100) en prenant en compte les échéances liées au calendrier universitaire (p.92). D'autres paraissent un peu extrémistes pour de simples étudiants en maîtrise de sociologie, comme le fait de changer de logement momentanément pour aller habiter dans la localité ou le quartiers des enquêtés (p.102) et rompre provisoirement avec nos proches (p.104). [...]

[...] Tout est donc dans la volonté de donner du sens à des pratiques sociales dîtes ordinaires (p.9). Cela-dit, ce travail intellectuel ne s'arrête pas là car il faut non seulement rendre accessible ce travail à son directeur de recherche, aux intellectuels en publiant sa thèse sous la forme d'articles ou mieux un livre (p.291), mais aussi à l'homme ordinaire même si les auteurs ne le précisent pas explicitement ( nous avons ainsi le devoir , selon Charles Wright Mills dans son ouvrage l'imagination sociologique que Stéphane Beaud et Florence Weber citent régulièrement, de l'aider à comprendre le monde qui l'entoure et transformer ses épreuves personnelles de milieux en enjeux collectifs de structure sociale). [...]