Aucune société humaine n'a jamais été complètement homogène, que ce fut sur le plan ethnique ou culturel. Comme celles des membres qui le composent, l'identité d'un groupe humain est nécessairement plurielle, et ne constitue nullement une donnée immuable : elle ne cesse de se redéfinir au cours de son histoire en fonction des divers apports dont il est l'objet, des flux multiples qui le modifient, l'affaiblissent ou l'enrichissent au contraire.
Pour autant, si toutes les sociétés ont été amenées au cours de leur développement à gérer l'existence en leur sein d'un certain degré de diversité, le XXe siècle a vu l'amplification sans précédent de ce processus intrinsèque d'hétérogénéisation. L'accélération du phénomène de mondialisation, en provoquant une explosion des flux migratoires, a rendu parfois beaucoup plus délicat le maintien d'une unité sociale au sein de sociétés confrontées à l'arrivée parfois massive de populations culturellement fort éloignées.
[...] A cette question, il est possible d'identifier au moins trois types de réponses différents. L' assimilationnisme le multiculturalisme et ce que l'on pourrait qualifier d' intégrationnisme politique (III) ont constitué autant de tentatives pour reconstruire les bases d'une cohésion sociale effective. Chacune de ces trois conceptions s'est de facto révélée impuissante, voire contreproductive. C'est afin de proposer la défense d'un autre modèle social tout à la fois rassembleur et respectueux des diversités que nous avons dérogé à la pourtant sacro-sainte forme dissertative en trois parties/trois sous parties (IV). [...]
[...] L'identité nationale semble difficilement pouvoir faire l'impasse de toutes références culturelles. IV Pour un Républicanisme tolérant au fondement de l'unité socio- politique Aucun des projets sociaux examinés jusqu'à présent ne semble donc apte à fonder une cohésion sociale durable. Nous avons vu, à travers l'analyse de l'échec du melting-pot américain, les dérives possibles de l'assimilationnisme ; le multiculturalisme, de son côté, cantonne les individus dans leurs particularités, débouche sur un relativisme rendant impossible l'instauration pourtant indispensable de valeurs communes, et aboutit, pour finir, à une inflation sans fin des revendications ; quant à ce que nous avons appelé l'intégrationnisme politique il peut lui être reproché de n'envisager qu'un sujet désincarné et abstrait coupé de toutes références identitaires particulières. [...]
[...] Face à un tel tableau social, c'est à juste titre qu'Arthur Shlesinger pouvait dénoncer la rage ethnicisante la balkanisation de la culture, la tyrannie des minorités et l'imposition d'une politique d'assignation consistant à arguer de sa différence pour défendre son pré carré[8]. III L' intégrationnisme politique ou la consécration d'un sujet désincarné Comment, alors, échapper aux dangers du multiculturalisme, et trouver un dénominateur commun permettant l'établissement d'une cohésion sociétale minimale ? L' intégrationnisme politique tente d'apporter une réponse à cette question. [...]
[...] On reprochera principalement à une telle conception de disjoindre de manière bien artificielle le citoyen exclusivement politique de l'individu purement culturel Transposant la formule de Charles Péguy à l'égard de la morale kantienne, on pourrait ainsi affirmer que l'intégrationnisme politique a les mains pures, mais qu' elle n'a pas de mains Peut-on réellement postuler une union politique sans le soubassement d'une homogénéité culturelle minimale ? Est- il effectivement possible de déconnecter la sphère du politique de celle des particularismes identitaires ? A en juger par exemple par le relatif désintéressement des citoyens américains à l'égard de la politique fédérale, on peut être tenté de répondre par la négative à de telles questions. [...]
[...] Mais il est aisé de voir les dangers recélés par une telle conception. En proposant la juxtaposition sans échange de groupes culturellement différents et imperméables les uns aux autres, elle conduit inévitablement au relativisme le plus complet. Ainsi que l'écrit Denis Kambouchner[5], en prenant chaque culture comme un tout indivisible, l'exigence d'un multiculturalisme radical revient à demander que les représentants d'une culture et les agents des institutions reconnaissent l'égale valeur des produits de toute autre de manière non seulement présomptive (sous réserve d'examen), mais inconditionnelle (quelles que doivent être les conclusions de cet examen) Or, toute société a besoin, pour s'auto-appréhender et se concevoir comme une fût-ce dans la pluralité de reposer sur un corpus minimal de valeurs communément admises et intériorisées par chacun de ses membres. [...]
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