Charles Fourier et Etienne Cabet, respectivement nés à Besançon en 1772 et Dijon en 1788, marquèrent tous deux la pensée du mouvement présocialiste du premier 19ème siècle ou la période du socialisme utopique, par opposition au socialisme scientifique de Marx et Engels, que ce dernier différencie dans Socialisme utopique et socialisme scientifique, en 1880. Ils iront jusqu'à employer l'expression de « socialisme critico-utopique » pour qualifier la génération socialiste de penseurs à laquelle Cabet et Fourrier appartiennent. L'expression « socialisme critique » marquait positivement l'apport de ces penseurs sociaux à la compréhension du système capitaliste et à la réflexion sur se possibilités de dépassement, tandis que le collage du mot « utopique » les renvoyait à la lignée idéaliste petite-bourgeoise dénigrée et rejetée par Marx, les « bons sentiments » du socialisme utopique s'avérant être antithétiques au socialisme scientifique. Engels dira à ce propos « Rien d'autre ne pouvait sortir de là qu'une espèce de socialisme éclectique moyen ».
Cependant, ni Marx ni Engels ne renieront l'apport de ces deux auteurs au socialisme, dans la mesure où ils essayèrent de mettre en œuvre leurs idées, leurs idéaux. Ils tentèrent de réaliser un rêve qualifié ici d'américain, pas au sens où leurs projets copièrent l'Amérique et son organisation. On doit en effet comprendre ici « rêve américain » dans une logique où l'Amérique, les jeunes Etats-Unis se révèlent comme une terre des possibles, une terre d'expérimentation, à défaut de pouvoir apposer cette nouvelle société sur la « vielle société » européenne.
Nous pouvons et devons alors nous interroger sur leurs utopies, en nous demandant alors pourquoi les nouvelles sociétés qu'ils proposent et mettent en œuvre sont vouées à l'échec.
Nous traiterons d'abord des motivations de ces deux auteurs à vouloir se détacher de la société réelle, et des doctrines à la base de leurs utopies, de leurs philosophies (I), puis nous verrons les bases théoriques de leurs utopies et de quelle manière elles sont retranscrites en pratique lors des diverses expériences réalisées (II), et enfin nous essaierons de comprendre l'échec de ces sociétés créées de toute pièce et d'en exposer les héritages (III).
[...] Creuset de l'idée et support pour de multiples expérimentations, l'utopie trouve sa véritable dynamique dans une méthode de stigmatisation du réel. Sa démarche déconstructive s'appuie toujours sur un bilan négatif du système en place, tremplin idéal pour légitimer une possible autre société, qui s'est cependant toujours révélée impossible. Détachés du réel, repliés sur eux-mêmes, les rêves américains mis en œuvre par Cabet et Fourier échouent, demeurent des rêves, et marquent pour le socialisme la nécessité de se détacher de ces mondes chimériques, et d'entrer dans la réalité. [...]
[...] Ici se trouvent les germes de la chute du futur projet de Cabet : la possible dérive totalitaire. Voici donc les principaux éléments, théories ou encore croyances qui poussèrent ces deux penseurs sociaux à se lancer dans la rédaction et la réalisation d'une utopie, mus par un profond désir de changer la société. L'utopie en théorie et en pratique Fermement résolus à renouveler la société dans laquelle ces deux penseurs sociaux et socialistes vivent, ils vont dresser les plans de leurs sociétés idéales puis tenter de les mettre en œuvre La société idéale Nulle maison ne peut être construite au hasard, sans plan et sans devis écrivait F. [...]
[...] Voyage en Icarie sera plusieurs fois critiquée pour son totalitarisme, certains tenteront cependant de mettre en place des communautés respectant au moins partiellement ces principes. La mise en œuvre Contrairement à la plupart des utopistes depuis Thomas More, les projets que Cabet et Fourier écrivent et dessinent ne sont pas destinés à rester lettre morte et à seulement montrer ce que devrait être la société idéale. Elles sont en effet tournées vers l'action, et espèrent être réalisées, et sont en tout cas écrites dans ce but. [...]
[...] Fourier : la non- reconnaissance des réalisations de ses disciples et l'attente Ses disciples mettront en œuvre plusieurs phalanges, et notamment aux États- Unis, mais Fourier ne reconnaîtra jamais leur travail. Il critique par exemple la création du phalanstère de Condé-sur-Vesgre (Yvelines) qu'il considère comme une caricature de ses représentations. Les déboires de Fourier furent nombrent, ses déceptions aussi. Ses livres lui valaient de nombreuses railleries, parce qu'ils étaient incompris, au sens propre du terme, et les journaux se refusaient à en parler sérieusement, préférant les caricatures. [...]
[...] Mais d'autres facteurs, plus réalistes, interviennent dans la chute de Nauvoo, comme par exemple le va-et-vient continu des émigrants, l'hostilité des autochtones qui fait se replier sur elle-même la communauté, et l'empêche de réaliser son but initial, la contagion, le fait que les femmes soient deux fois moins nombreuses que les hommes compromettent sérieusement la viabilité de la communauté, en plus du fait que certaines compétences soient totalement absentes, ou méconnues comme par exemple la médecine. Cabet sera chassé de sa propre Icarie en 1855, accusé de dictature. L'imagination, la foi, la volonté et le sacrifice de quelques-uns ont cependant permis aux divers essais de perdurer quelques mois ou décennies, la dernière Icarie mourant en 1898. Icarie s'est voulue le triomphe du communisme sur les vices de la vieille société, mais entre le modèle rêvé et le modèle pratiqué, les hommes réels sont intervenus et l'expérience s'est détachée du support initial. [...]
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