Les banlieues-ghettos hantent ces dernières années au point de tracer dans la ville une frontière au-delà de laquelle l'ordre républicain serait menacé. Les journalistes dénoncent la poudrière des cités. les maires demandent des aides. L'opinion s'émeut. Les députés votent des lois anti ghetto. Les chercheurs s'activent
Ce concept est mot fourre tout. Le ghetto n'est il pas l'expression spatiale la plus radicale des ségrégations, le point ultime de l'écart dans la ville, au-delà de la loi et du droit, en quelque sorte, l'idéal type de la ségrégation et de la discrimination ? Avant c'était un terme réservé au regroupement de réfugiés juifs. Exemple, 1938 on parle du nouveau ghetto formé par les juifs de l'Europe de l'Est à Belleville. On parle ainsi de quartier ghetto comme pour exorciser le mal et justifier toute politique de développement social. Le ghetto fascine autant qu'il dérange
Par un emploi qui s'élargit sans cesse, l'usage du mot ghetto renvoie donc à une catégorie conceptuelle susceptible de s'appliquer à tout groupement de population qui tend à se replier sur lui-même, voire à toute contrainte jugée excessive pour réglementer la vie d'une collectivité. Son emploi est destiné à faire choc, à provoquer. En jouant sur les affects les plus refoulés, on enferme un objet flou dans un concept extensible à l'infini.
Le mot ghetto fait écran : il empêche de voir la variété des appropriations de l'espace, la multiplicité des modes de vie et la qualité des adaptations.
Le mot ghetto renvoie d'abord au ghetto de Varsovie et aux drames de la seconde guerre mondiale avant même d'évoquer les quartiers noirs américains. Par amalgame, les ghettos renvoient dans l'imaginaire à l'humiliation, à la violence et à la déshumanisation, c'est-à-dire aux aspects les plus noirs de la barbarie. Pour la plupart des chercheurs en sciences sociales, le ghetto apparaît comme un artefact c'est-à-dire comme une construction intellectuelle qui permet de faire comprendre une réalité complexe.
[...] Ils sont le reflet de la société. Et ils cherchent à répondre à l'attente de l'opinion. Le fait d'être du milieu ne favorise pas nécessairement le dialogue, surtout quand les relations quotidiennes instaurées entre les habitants se modifient brutalement par la professionnalisation d'un des leurs. Dans les cités, la superposition des pauvretés ne crée par un espace homogène. L'alchimie du peuplement et les motivations personnelles des locataires en font des ensembles foncièrement multiples, à mille lieues des ghettos américains fondés sur la spécificité raciale. Banlieue-ghetto ? [...]
[...] Le ghetto doit donc remplir une fonction expiatoire. Néanmoins, c'est une représentation partiellement tronquée du ghetto vénitien qui franchira les siècles et les océans qui susciteront dès la fin du XIXe siècle l'intérêt des chercheurs américains. Le ghetto vénitien est souvent considéré comme la métaphore parfaite du quartier ségrégué alors qu'une étude historique montre qu'il est parfaitement original et plus ouvert qu'on ne le croit habituellement. En glissant au plan symbolique, le ghetto finit par désigner le principe même de la ségrégation, ce qui n'est guère admissible étant donné la puissance d'évocation du mot. [...]
[...] Banlieue, ghetto impossible? Vieillard-Baron H., Éditions de l'Aube, Paris Les banlieues-ghettos hantent ces dernières années au point de tracer dans la ville une frontière au-delà de laquelle l'ordre républicain serait menacé. Les journalistes dénoncent la poudrière des cités. Les maires demandent des aides. L'opinion s'émeut. Les députés votent des lois anti ghetto. Les chercheurs s'activent Ce concept est mot fourre-tout. Le ghetto n'est-il pas l'expression spatiale la plus radicale des ségrégations, le point ultime de l'écart dans la ville, au-delà de la loi et du droit, en quelque sorte, l'idéal type de la ségrégation et de la discrimination ? [...]
[...] On parle ainsi de quartier ghetto comme pour exorciser le mal et justifier toute politique de développement social. Le ghetto fascine autant qu'il dérange Par un emploi qui s'élargit sans cesse, l'usage du mot ghetto renvoie donc à une catégorie conceptuelle susceptible de s'appliquer à tout groupement de population qui tend à se replier sur lui-même, voire à toute contrainte jugée excessive pour réglementer la vie d'une collectivité. Son emploi est destiné à faire choc, à provoquer. En jouant sur les affects les plus refoulés, on enferme un objet flou dans un concept extensible à l'infini. [...]
[...] Au bout du compte, rien ne prédisposait ces deux mots accolés à connaître le succès que l'on sait. Prisonniers d'une rhétorique répétitive qui se perd dans les sables de l'exclusion, dans les méandres de la relégation et les bravades de la participation, ils souffrent aujourd'hui d'un excès médiatique et d'une surcharge sémantique. Comme si l'on essayait d'épuiser le mal en épuisant les mots À quiconque assimile les quartiers sensibles à des ghettos, nous sommes tentés d'opposer la trace de l'histoire, le cycle des âges, la parole des hommes et des femmes qui peuplent les cités et le lointain intérieur qui les habite. [...]
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