Le mythe du "Golden Boy" est largement relayé et encouragé par les médias, l'euphorie financière des années 80, l'ampleur du krach financier de 1987 ou encore les films comme Wall Street. Si une telle mythologie peut se développer, c'est que le monde des traders, celui de la salle des marchés, reste très clos. À tel point que l'analyse sociologique des traders est extrêmement peu fournie : hormis le livre d'Olivier Godechot (Les traders, essai de sociologie des marchés financiers paru en 2001) il n'existe quasiment pas de travaux portant sur ce métier pourtant central aujourd'hui.
Les marchés financiers ont un but précis : l'augmentation rationnelle du profit. Un tel objectif implique pour les opérateurs des marchés financiers l'adoption d'un comportement proche du modèle de l'"homo economicus", c'est-à-dire fondé sur les principes de rationalité et de maximisation, ici maximisation plus particulièrement du profit.
Bien sûr, si la tendance de la direction des marchés financiers est d'organiser le travail selon des méthodes qui paraissent à un moment donné les plus rationnelles, cela ne signifie pas qu'elle réalise entièrement les buts qu'elle se fixe. Mais il est tout de même intéressant d'analyser ce qui peut perturber au sein de l'organisation l'atteinte de cet objectif.
Et même si l'augmentation rationnelle du profit n'est qu'un objectif à atteindre, cet impératif de rationalisation a des répercussions sur les comportements des opérateurs des marchés financiers, sans doute bien plus que pour n'importe quelle profession, puisque, nous allons le voire, certains traders en viennent à adoptent des comportements de calculateurs froids même dans leur vie extraprofessionnelle.
[...] Nous allons ici nous demander dans quelle mesure les traders incarnent ce modèle. Dans une première partie nous verrons que l'objectif commun des marchés financiers et du trader sont la maximisation du profit mais que chacun voit avant tout son propre profit ce qui peut donner lie à des effets pervers. Dans une deuxième partie nous analyserons donc l'élaboration en partie contrariée du modèle d'homo economicus chez les traders. I Un objectif commun aux marchés financiers et aux traders : la maximisation du profit A Une organisation au service du profit Cette partie consiste en une description du mode d'organisation d'une salle de marché, institution assez peu pénétrée par les observateurs extérieurs. [...]
[...] Nous allons ici développer certaines de ces stratégies. B Des individus au service de leur profit Au sein des marchés financiers, les individus cherchent avant tout à maximiser leur profit. Leurs intérêts se confondent bien souvent avec celui de l'entreprise mais Godechot a observé de nombreuses stratégies individuelles de la part des opérateurs de la salle qu'il a étudiée, stratégies qui donnent parfois lieu à une véritable guerre concurrentielle entre les individus de ce monde pouvant parfois nuire au profit de l'entreprise. [...]
[...] La division du travail a par exemple permis au front office de déléguer le sale boulot au back-office, ce qui n'empêche pas les traders de critiquer la lenteur du back-office. Il existe une véritable barrière magique entre les assistants-traders et les traders puisqu'ils n'ont pas le droit de conclure des opérations. Ils peuvent parfois se voir déléguer des opérations mais en restant sous la tutelle du trader qu'ils assistent et en inscrivant le nom du trader sur les tickets. Pour les assistants qui n'ont pas de diplôme reconnu, il sera difficile de franchir cette barrière. [...]
[...] Weber a théorisé une recherche similaire du gain dans l'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme (accumulation comme signe d'élection divine). Les opérateurs issus d'un autre milieu professionnel que celui de la sphère financière ont du mal à s'adapter à cette quête effrénée du gain (asymétrie des capitaux culturels entraîne asymétrie devant la volonté de recherche du profit). Existent donc des mécanismes d'incitation pour entrer dans la logique du gain, pour répandre une forme particulière d'illusion (au sens de Bourdieu) des marchés financiers. [...]
[...] Dans l'ordre des relations les plus difficiles (selon une enquête de Godechot) viennent d'abord celles avec les traders, puis les chefs, puis les gestionnaires suivis par les gestionnaires du back-office. En général, plus l'individu est ancien et dans une position assurée et plus les conflits se raréfient. Olivier Godechot caractérise ainsi le processus d'adaptation du trader : L'individu pris dans cet univers conflictuel est, par sa position, obligé de participer et de changer ses manières de faire et de penser. C'est ainsi qu'il se rapproche quelque peu, sans jamais l'égaler, de la fiction de l'homo economicus. [...]
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