Conflits des générations, identité collective, lutte des classes, lutte des classes d'âge, fracture générationnelle, inégalités, classification par âge, jeunesse, constructivisme, Bourdieu, modèle familial, psychanalyse, individualisme, génération X, génération Y, génération Z, jeunisme, vieillissement, écologie, solidarité intergénérationnelle, cohésion sociale, économique, conservatisme
L'expression "OK Boomer !" lancée en 2019 par une députée néo-zélandaise a symbolisé la fracture générationnelle dans les pays développés. Les baby-boomers sont accusés d'avoir bénéficié d'une conjonction de circonstances favorables et d'avoir laissé à leurs successeurs de la dette et du CO2. Le choc des générations devient le principal conflit interne à nos sociétés, avec des revendications croissantes des jeunes générations pour une meilleure répartition des richesses et des opportunités entre les générations.
[...] Certes, l'aspiration à la jeunesse éternelle n'est pas nouvelle : mythe de la fontaine de jouvence dans les Métamorphoses d'Ovide. Toutefois, quelque chose change au XXe siècle diverses formes d'hédonisme, une prédilection marquée pour la consommation et l'avènement d'un véritable culte du corps, plus particulièrement du corps jeune. Oscar Wilde a donné une forme tragique à ce fantasme d'une jeunesse éternelle, Le Portrait de Dorian Gray : Dorian Gray, qui pose dans l'atelier du peintre Basil Hallward, forme le vœu suivant : « Comme c'est triste Je vais devenir vieux, horrible, effrayant. [...]
[...] Dans Pantagruel de Rabelais, Gargantua adresse une lettre à son fils Pantagruel, qui est aussi un véritable manifeste de l'humanisme. Toutefois, ce modèle reste très minoritaire jusqu'au XXe siècle. L'enfant, devenu grand, doit se poser en s'opposant ; l'adolescent doit construire et raconter un conflit avec ses parents pour devenir à son tour une grande personne ; figure de l'autorité et de l'ordre social, le père est fatalement contesté par son fils, qui a pour lui l'avenir. Freud, Totem et Tabou (1913), il suppose, à l'origine de l'humanité, l'existence d'une « horde primitive », groupement humain placé sous l'autorité d'un père tout-puissant et qui se réserve l'accès aux femmes. [...]
[...] Si la segmentation de la population semble donc de plus en plus marquée, on doit toutefois observer une tendance au brouillage des frontières entre les âges. Néanmoins, le désir des sociétés modernes d'évacuer la mort et le culte de la jeunesse brouillent les repères entre les générations : Réduction de la place accordée à la mort et aux rites funéraires, qui scandaient la succession des générations. Philippe Ariès, Essai sur l'histoire de la mort en Occident du Moyen Âge à nos jours : la « mort apprivoisée », collective, du Moyen Âge, acceptée sans drame et à laquelle les individus se préparent toute leur vie, notamment grâce aux vanités et autres memento mori ; la « mort de soi », à partir du XIIe siècle, une mort personnalisée qui correspond à l'émergence de la conscience individuelle ; enfin, la « mort de toi », la mort douloureuse, inacceptable, manifestation d'une rupture violente et non plus simplement convention sociale du deuil, qui s'imposerait à partir de l'époque romantique. [...]
[...] Plus largement, les jeunes font face à une précarité sociale et psychologique indéniable. Hantés par la perspective du déclassement, ils doivent accomplir des études plus longues, plus coûteuses et plus sélectives pour accéder à des débouchés professionnels plus restreints. D'où un malaise diffus chez les jeunes, qui ont bien conscience d'appartenir à des générations sacrifiées. Depuis des années, tous les sondages montrent qu'ils n'ont guère confiance en leur avenir ni en eux-mêmes des 18-34 ans considèrent que leur existence sera « plutôt pire » que celle que leurs parents ont menée (Cevipof, 2016). [...]
[...] Heureusement, le risque d'une lutte des classes d'âge semble aujourd'hui conjuré par la persistance de la solidarité entre les générations ; celle-ci compense en partie les inégalités et les inquiétudes d'une jeunesse soumise à une réelle précarité. Par ailleurs, l'homogénéisation des cohortes n'est pas telle que l'âge fasse disparaître le sentiment d'appartenance à une classe sociale. Enfin, nos gouvernants doivent éviter de fracturer encore une société déjà bien divisée et éruptive. L'irresponsabilité, l'improvisation permanente et l'impulsivité, qui étaient réputées être l'apanage des enfants, semblent désormais répandues. Il faut toujours se rappeler le verset de L'Ecclésiaste : « Malheur à la ville dont le prince est un enfant. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture