Le 11 septembre 2001 a créé dans le monde occidental un climat de terreur contre Al-Qaida en particulier et l'Islam en général. Georges Bush, alors président des Etats-Unis, décidait de s'engager dans une « croisade contre les forces du mal, afin d'éradiquer le démon du terrorisme ». Depuis, l'Islam est montré du doigt à chaque attentat et devient, de fait, le nouvel ennemi de l'Occident.
Le remodelage idéologique de l'Occident qui s'est opéré au cours des années 1990 à la suite de la chute de l'URSS s'est aujourd'hui déplacé vers l'aire arabo-musulmane et l'Islam. À bien des égards, on peut estimer que, dans ce nouvel affrontement, l'Occident a des postures ethnocentriques s'affirmant souvent en opposition au monde musulman. L'ethnocentrisme (ethnos, peuple et centrum, centre) est un racisme dissimulé qui a été défini par l'ethnologue William G. Summer en 1907 comme étant le fait de « placer son propre groupe au centre de tout » et de considérer que « les coutumes de son propre groupe sont les seules à être justes ». On peut considérer qu'aujourd'hui, le monde occidental se positionne alors en juge suprême face aux « barbares » des temps modernes, sachant qu'il en est aussi la victime. En même temps, le qualificatif « ethnocentrique » peut également être attribué au monde musulman où la théocratie règne avec force et où toute critique formulée contre l'islam est punie par menace de fatwa (avis juridique donné par un spécialiste de la loi islamique).
Dans ce contexte, l'affaire des caricatures de Mahomet sert de révélateur à cette nouvelle opposition.
[...] Charlie Hebdo, comme France Soir et d'autres journaux d'Europe, par la publication des caricatures se font fiers défenseurs de la chère liberté d'expression de l'Occident. Audace ou supercherie ? Audace face au monde musulman qui ne va pas nous dicter ce que nous avons à faire, nous occidentaux ? Ou simulacre de liberté d'expression ? Liberté en réalité malléable à volonté, selon les acteurs en scènes et les enjeux ? Avec la diffusion massive d'une idée ancrée dans l'imaginaire collectif, d'un cliché confortable qui nous met sur un piédestal ? [...]
[...] De la même façon, quiconque rira des juifs sera immédiatement taxé d'antisémitisme. Ce décalage manifeste entre les religions pose sérieusement la question d'un manque de respect envers les musulmans. On navigue maladroitement entre liberté et susceptibilité. L'argument de la liberté d'expression que porte fièrement l'Occident n'est-il pas biaisé ? II. ethnocentrisme et paternalisme occidental : le malaise avec le monde musulman Par son comportement, l'Occident redéfinit les contours du monde musulman, sans nuance : un ensemble homogène à la crête du fanatisme. Islam et islamisme violent/terrorisme sont assemblés dans ces caricatures. [...]
[...] Ce n'est qu'au XIXe siècle que des images pieuses ont réapparu, comme supports de transmission de la foi. Noé, Adam et Abraham ont fait l'objet de représentations chez les musulmans; cela marque le début d'une révolution iconique Après cette date, plus jamais le Prophète ne sera représenté. L'Occident, aux origines judéo-chrétiennes et défenseur des Droits de l'Homme, s'affranchit de ces interdits. Par ignorance ou par volonté de faire triompher la liberté d'expression envers et contre tout. Avec, en France, un espace public laïque depuis la loi du 9 décembre 1905, qui offre la possibilité de se référer à toutes les religions de façon libre et désacralisée. [...]
[...] Ainsi, humour, distance, indépendance d'esprit et courage politique sont de rigueur. Georges Corm[4], économiste et historien libanais enchérit en exposant un avis partagé en Orient : Les réactions venues d'Europe trahissent trop souvent le sentiment que l'Occident veut donner des leçons de morale au monde entier. Vu d'Orient, ce narcissisme et ces leçons d'universalisme sont insupportables. Dans cette polémique, l'islam est une nouvelle fois mis face au défi de la liberté de conscience et d'expression par l'Occident. A nouveau, le découpage binaire et stéréotypé du monde fait surface. [...]
[...] Le spécialiste de l'islam marocain J.F. Clément a rappelé, dans un grand entretien au Monde[1], que l'insolence de la caricature y est bien réelle mais qu'effectivement le Prophète Mahomet échappe aux représentations. Cette position unique adoptée dans l'aire arabo-musulmane relève d'un interdit de l'islam pour la figuration en général : la fabrication d'image serait considérée comme une activité menaçant le monopole créateur de Dieu. Mais rappelons que le reproche que formule le Coran à l'égard des créateurs d'images est également répandu en Occident, notamment dans les récits de Pinocchio ou du Golem. [...]
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