? Définitions
Parler de « nouvelles questions sociales » est, en soi, lourd de sens. En effet, dès le 19e siècle, c'est précisément face au caractère radicalement novateur des problématiques qu'apparaît l'expression « Question sociale ». À une époque caractérisée par la montée croissante des incertitudes, ces problématiques revêtaient un caractère plutôt inquiétant. Qu'il s'agisse de la peur de ce que l'on appelait alors les Classes dangereuses, ou encore de l'appréhension engendrée par la montée des mouvements protestataires, les élites intellectuelles et politiques se retrouvèrent dans un climat d'agitation, sinon de désarroi.
Avant de tenter de définir l'expression « Question sociale », il convient de s'intéresser au concept de société. L'étymologie nous enseigne que la société (du latin societas, alliance) résulte d'un pacte : les hommes vont s'allier, ils deviennent des alliés (socii) contre les rudesses de la nature. L'union ? nécessaire ? fait la force. Il y a là comme un aveu de faiblesse. Aveu que Rousseau décrit dans l'Émile :
C'est la faiblesse de l'homme qui le rend sociable : ce sont nos misères communes qui portent nos coeurs à l'humanité (...) Tout attachement est un signe d'insuffisance : si chacun d'entre nous n'avait nul besoin des autres, il ne songerait guère à s'unir à eux
Selon le sociologue français Robert Castel, la « Question sociale » renvoie à un questionnement essentiel, un questionnement qui interroge les racines du vivre ensemble. La « Question sociale », toujours selon Robert Castel, fait référence à :
l'aporie fondamentale sur laquelle une société expérimente l'énigme de sa cohésion et tente de conjurer le risque de sa fracture
Il y a donc un double aspect. Une crainte fondamentale, d'abord. Celle de voir se rompre la cohésion et l'ordre social, mais également une volonté d'explorer les fondements du vivre ensemble.
? L'avènement de la « société salariale »
Robert Castel affirme que la Question sociale a été résolue par l'avènement de ce qu'il appelle « une société salariale ». C'est lorsque les prérogatives découlant du travail salarié en sont venues à préserver non pas les travailleurs et leurs familles, mais la quasi totalité de la population (active et non-active donc) que l'on a pu parler de « société salariale ». En rééquilibrant les rapports de force, elle a permis un véritable apaisement. Une sorte de compromis a été trouvé, entre l'économique (nécessité de produire des richesses) et le social (exigence de protection) (...)
[...] Les les plus riches détenaient 20% du total. À partir de 1945, les 10% les plus riches ne détiennent plus que le tiers du revenu total tandis que les les plus riches détiennent entre 8 et du revenu total. Le rapport D9/D1 s'établit aujourd'hui en France à environ c'est-à-dire qu'un individu parmi les 10% les plus riches gagne au moins 3,5 fois plus qu'un individu parmi les 10% les plus pauvres. Aux revenus du travail, il faut soustraire les prélèvements obligatoires et ajouter les transferts sociaux pour prendre conscience de l'effet de la redistribution des revenus. [...]
[...] Depuis les années 1990, ce sont donc les très hauts salaires qui expliquent l'accroissement des inégalités. La part des salaires supérieurs à 120 (i.e. du 99e centile) est passée de en 1994 à en 2006. On est donc revenu, et l'OCDE le remarque dans la majeure partie des pays industrialisés, à une part du revenu détenu par les les plus riches proche ou identique à celle des années 1920 et 1930. Le cas américain fait figure d'exemple: la part du revenu détenu par les les plus riches était, à la veille de la crise, en 2007, de comme en 1929. [...]
[...] On est passés à une vision qui privilégie les profits et l'investissement plutôt que la demande et les salaires. S'est ainsi opéré un retournement du partage de la valeur ajoutée. Ce renversement a pu accentuer le phénomène de financiarisation. Cela à fait dire à Aglietta et Berrebi dans Désordres dans le capitalisme mondial que ce nouveau capitalisme financier voit son dynamisme reposer en grande partie sur un accroissement des inégalités Un État impuissant face à ces nouvelles problématiques sociales ? [...]
[...] En France par exemple, cela fait 30 ans que le taux de chômage n'est pratiquement jamais descendu au-dessous de de la population active. Le chômage, plus particulièrement le chômage de longue durée, peut être un facteur puissant d'exclusion et d'isolement. S'il constitue de ce fait un facteur irréfutable de l'effritement de la société salariale, le chômage de masse persistant ne peut, à lui seul, en être tenu responsable. Le marché du travail est traversé par d'autres mécanismes clivants et excluants. [...]
[...] Mais d'un autre côté, s'il est semblerait que les impératifs catégoriques de rentabilité et de compétitivité aient participé à l'effritement de la société salariale, il apparaît également que ces impératifs ne sont en rien une nouveauté. Certes, nous évoluons dans une économie de plus en plus mondialisée, où tout est affaire de compétitivité et d'attractivité. Mais il y eut des périodes où la concurrence fut bien plus féroce et où les pressions à la baisse sur le coût du travail furent bien plus fortes. [...]
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