Phénomène, sectaire, aux, frontières, liberté, expression
Jean-François Kahn, dans dictionnaire incorrect, a déclaré : « En fait, toute religion est une secte qui a réussit. On donne d'ailleurs le nom de secte à toute église non officielle qui concurrence les églises officielles ». En effet, si l'on s'en réfère à l'histoire, l'Eglise chrétienne est comparable à une secte : première religion monothéiste alors pratiquée par des dissidents, elle fut interdite pendant de nombreuses années avant l'édit de Milan promulgué par Constantin en 313. Elle deviendra par la suite la religion dominante. De cette distinction entre secte et religion découle pourtant deux régimes juridiques différents.
Etymologiquement, la notion de secte peut provenir de deux notions latines : "sequi" qui signifie suivre, ou encore « sequare » signifiant couper. Cette notion n'est cependant pas définit par le droit, tout comme la religion ou encore les dérives sectaires. En effet, depuis la loi du 3 juillet 1905 entrainant la séparation de l'Eglise et de l'Etat, les pouvoirs publics se refusent de définir les notions à caractère religieux. Du fait de cette carence, ce terme peut avoir des significations différentes selon l'entité qui tente de la définir : l'Eglise, les médias, le grand public ou encore les sociologues. Afin de rester neutre, nous ne retiendrons que la définition d'usage des sociologues, qui définissent la secte comme « un groupe de volontaires qui partagent les mêmes croyances ». Une frontière quant à elle se définit comme étant une démarcation ou une limite entre plusieurs zones. Ici, les frontières placent la liberté d'expression à l'opposé du reste, celle-ci étant définit à l'article 10 de la convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales de 1950 comme « un droit qui comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière ».
L'usage savant du terme « secte » et de ses dérivés renvoie aux travaux du sociologue allemand Max Weber (1864-1920) et du théologien Ernst Troeltsch (1865-1922). Ces deux auteurs opposèrent les notions de secte et d'Eglise, sans prendre en compte le fait qu'il n'existe pas « d'Eglise » dans certaines religions non chrétiennes. Leurs successeurs ont donc remplacé la notion d'Eglise par celle de « religion dominante ». Weber voit en l'Eglise une vision universaliste car celle-ci accepte tout le monde en son seing, en opposition avec les sectes qui seraient des groupes contractuels sélectionnant au mérite les nouveaux candidats. Troeltsch peaufinera cette opposition en déclarant que l'Eglise essaie de s'adapter à la société tandis que la secte se caractérise par une rupture vis-à-vis de la société. Cette distinction suscite actuellement certaines remises en cause : la Scientologie par exemple semble avoir beaucoup d'influence dans la société et se composent de millions de membres…
Personne ne connait réellement la date d'apparition des sectes. Si l'on se réfère à Ernest Renan qui a déclaré que « l'Eglise catholique est une secte qui n'a pas réussi », leurs racines seraient établies à l'origine des croyances religieuses. Mais pour exemple, la secte des témoins de Jéhovah a été fondée en 1872 aux Etats Unis par Charles Russell et Joseph Rutherford. En tout cas, elles ne sont apparues juridiquement en France qu'à partir du 20ième siècle, du fait de la loi du 1er juillet 1901 relative à la liberté d'association, et c'est à partir des années 70 que les pouvoirs publics ont commencé à s'interroger sur le phénomène sectaire. En effet, en 1978, 923 personnes membres du Temple du Peuple sont retrouvées mortes à Guyana, suite à un suicide collectif. C'est alors que des rapports, commissions d'enquêtes, textes législatifs ou encore missions interministérielles vont voir le jour, dans le but de déterminer les problèmes existants.
Le sujet revêt une réelle importance puisque la loi du 3 juillet 1905 reconnait le libre exercice de tous les cultes sans en privilégier aucun et pourtant les travaux des pouvoirs publics, notamment ceux du législateur, sont abondants sur le sujet. De plus Anne Fournier, ancienne chargée de mission à la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS), pense que la mondialisation est propice au développement des sectes. Le Rapport parlementaire « Les sectes en France » en répertoriait déjà 173 en 1996….
Le terme « secte » cache une profonde hétérogénéité des minorités religieuses émergentes auxquelles il s'applique. Cependant, nous ne pouvons toutes les prendre en compte. Nous baserons donc notre réflexion uniquement sur les mouvements sectaires les plus connus par leur puissance ou par leurs dérives.
Le sujet intitulé « le phénomène sectaire : aux frontières de la liberté d'expression » amène à se demander comment le droit adapte t il la liberté d'expression, c'est-à-dire la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques, au phénomène sectaire. En d'autres termes, comment le droit légitime des restrictions à la liberté d'expression vis-à-vis des sectes alors que l'article 10 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1789 prévoit que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public » ?
[...] Un autre point fort à signaler est celui du procès de l'Eglise de Scientologie qui s'est déroulé à Paris en 2009, qui a été condamné pour escroquerie. Si l'on applique la loi dite « About-Picard » vue précédemment, l'Eglise de Scientologie risquait la dissolution. A la surprise de tout le monde, la dissolution de celle-ci a été rendue impossible du fait de la loi du 12 mai 2009 (publiée une dizaine de jours avant le procès) dite de « simplification du droit ». [...]
[...] De plus, elle permet à de nombreuses sectes en attente d'un jugement (durée de procédure très longue), de continuer à faire de la publicité. Ceci montre bien que malgré les textes, la liberté d'expression des sectes est encore très importante, ce qui n'est pas forcément négatif puisque dans un Etat de droit, le respect des minorités doit être assuré. La loi peine donc à s'appliquer, ce qui permet à la liberté d'expression de dépasser les frontières posées par la législation La protection des sectes contre tous par le droit. [...]
[...] Ce double risque explique une législation particulièrement contraignante qui englobe la liberté d'expression. N'oublions pas la position favorable du conseil de l'Europe face à cette législation. La législation actuelle parait suffisante pour permettre de réprimer l'ensemble des atteintes susceptibles d'être commises dans le cadre de dérives sectaires. En effet, trois lois semblent s'opposer directement aux dérives sectaires. D'une part, la loi dite « Loi Royal » prévoit des hypothèses punissables en cas de refus d'inscription d'un enfant dans un établissement scolaire. [...]
[...] De ce fait, on permet aux sectes d'exister. Ainsi la liberté d'expression des mouvements sectaires est garantie. Les missions de la Miviludes s'inscrivent dans le consensus français de protection des victimes et de l'ordre public, ne prenant en compte que les actes et comportements contraires aux lois et règlements troublant l'ordre public. Ainsi, l'Etat redevient respectueux de toutes les croyances et fidèle au principe de laïcité. En ce qui concerne le Conseil de l'Europe, défendeur des droits de l'Homme, il a surtout mis l'accent sur la prévention, mais il encourage très clairement à l'action dès le début des années 1990, avec deux recommandations : l'une relative aux sectes et aux nouveaux mouvements religieux et l'autre relative à l'activité illégale des sectes. [...]
[...] Elle aménage ce délit pour protéger les personnes victimes d'une emprise sectaire ce qui auparavant ne pouvait concerner que des personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur état physique ou psychique. Ceci permet donc de surmonter les difficultés liées au consentement donné par les adeptes d'un mouvement sectaire à tous les agissements qui leur sont demandés. Cette loi donne aussi indirectement une définition très large des mouvements sectaires (pour permettre une adaptation aux évolutions possibles). Ainsi l'article 1er prévoit que le mouvement sectaire susceptible d'être dissout peut être toute personne morale poursuivant des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités, quelle que soit sa forme juridique. [...]
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