La simplicité de l'étymologie du multiculturalisme tend, de prime abord, à en faire un mot innocent et purement descriptif, à l'exemple de la définition qu'en donne Le Petit Robert : coexistence de plusieurs cultures dans un même pays.
Pourtant, sorti du dictionnaire, le substantif se charge fortement en densité idéologique et polémique dans la vie sociale. Il adopte ainsi des usages contradictoires et des sens incorporés qui font partie d'un ensemble idéologique et polémique ; d'où le fait que l'emploi, sinon la simple allusion au mot, en particulier en France, est elle-même un objet de conflit. Et les controverses sont tellement violentes aux Etats-Unis, et désormais politisées, qu'il est difficile de ne pas écrire « pour » ou « contre » le multiculturalisme.
Une des grandes questions posées par le multiculturalisme est celle de la différence : différence sociologique et démographique, mais également comme catégorie philosophique. Quelle place doit-on lui accorder au sein d'un système social ? Est-elle une richesse ou un appauvrissement ? Un atout ou une menace ? Le multiculturalisme pose, d'autre part, la question de la place et des droits d'une minorité par rapport à la majorité.
Enfin, il pose la question de l'identité et de sa reconnaissance.
[...] Le rapport fondamental où s'opposaient le mouvement ouvrier et les maîtres du travail a perdu de sa centralité, tandis que d'autres réalités et d'autres représentations de la question sociale se sont imposées. La référence à une identité culturelle, pour les sociétés industrielles, renvoie plutôt à une thématique de l'unité du corps social, auquel elle apporte un principe d'intégration, en termes de nation ou de religion cujus regio, ejus religio Mais avec le passage à l'ère postindustrielle, la culture, nationale ou religieuse, cesse d'apporter ce principe incontournable d'unité à ces sociétés traversées par des conflits socio-économiques, elle cesse d'en être le cadre pour être désormais de plus en plus vécue et pensée comme un principe de division et de conflits majeurs, au sein même du corps social. [...]
[...] Or, la distinction entre domaine de la morale et domaine de l'action politique est au cœur d'une conception libérale de la justice. Mais, d'autre part, refuser de prendre en considération ces demandes de traitement différentiel, au nom des principes libéraux, implique de décevoir des individus pour lesquels la reconnaissance de leur spécificité est une condition essentielle de leur traitement inégalitaire. Cette non-reconnaissance peut engendrer des sentiments de frustration et d'isolement, et peut renforcer la volonté d'enfermement du groupe. Les mesures préférentielles que sont les quotas ou les discriminations positives soulèvent de sérieuses objections de principe et comportent de nombreux inconvénients. [...]
[...] -Troisièmement, la quête du bien commun et du juste doit impérativement prendre en compte les conceptions éthiques concurrentes des différentes communautés qui vivent sur un même territoire. On parle d'abord d'un multiculturalisme sociologique pour signifier la coexistence de groupes ethniques, culturels et religieux différents dans une même société. Mais le terme est aussi et avant tout une construction idéologique qui tend à promouvoir une vision alternative du bien commun et du juste dans l'intérêt des sociétés modernes pluriculturelles : c'est en ce sens que l'on parle de multiculturalisme éthique, philosophique, voire politique. [...]
[...] Comment vivre ensemble avec nos différences, à la fois libres et égaux, sans pour autant renoncer au partage de références communes ? Plusieurs cultures ensemble ? Émergence Tout d'abord, la redécouverte de la diversité culturelle et identitaire dans un monde où celle-ci acquiert de plus en plus d'importance pour des groupes d'origine et de style de vie différents, contraint à trouver un mode de cohabitation :on serait ainsi passé d'une société monoculturelle, marquée par l'image parfaite de l'unité d'un peuple, d'une langue, d'une culture qui épouse les frontières d'un territoire, à une société multiculturelle, caractérisée par l'éclatement du modèle stratonational et l'affirmation d'une fragmentation culturelle et identitaire. [...]
[...] Ces approches du multiculturalisme parce qu'elles opposent majorité et minorités, ou dressent les minorités les unes contre les autres sont rapidement devenues une source de discorde sociale. Quatre arguments principaux sont immanquablement invoqués : -la thèse de l'effet pervers (les programmes préférentiels produisent des effets inverses aux buts recherchés) -l'argument de l'inanité (ils n'induisent aucun changement significatif) -le handicap du coût (ils sont d'autant plus onéreux qu'ils ne favorisent pas l'émancipation de leurs bénéficiaires) -la thèse de l'injustice (le traitement préférentiel d'une catégorie de la population viole le principe méritocratique). [...]
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