Comment penser la ville américaine aujourd'hui ? Pour répondre à cette question, il est nécessaire de se demander comment celle-ci s'est construite et développée, quelles dynamiques ont affecté son évolution, quels rôles les hommes ont joué dans son organisation. Les hommes, ce sont bien eux que l'on doit mettre au centre de cette réflexion, ce sont eux qui donnent forme à la ville et qui –consciemment ou non- participent à son évolution dans le temps. L'un des phénomènes humains les plus importants dans la construction de la Nation américaine est sans aucun doute l'immigration ; on ne peut donc réfléchir sur la ville aux Etats-Unis sans se demander l'influence de l'immigration sur celle-ci et en particulier les conséquences de l'immigration sur l'organisation de l'espace urbain. Ces immigrants s'installent sur la terre américaine afin d'améliorer leurs conditions de vie, pour trouver un emploi, pour donner à leur famille l'espérance d'un avenir, pour trouver un meilleur endroit où s'établir que la ville, vivant creuset de tous les espoirs, fourmilière où chacun, quelle que soit son origine, peut participer à la grande activité universelle. Mais l'immigration n'est pas un acte facile : se déraciner volontairement et s'installer dans une contrée inconnue où les lois et les normes sont totalement étrangères, où la langue est un baragouin impossible à saisir, où les habitants du pays vous lancent des regards hostiles … tout cela provoque un traumatisme profond chez les nouveaux venus. Ce qui les amène à se regrouper pour retrouver des formes de solidarité mais aussi quelque chose qui ressemble au passé que l'on vient de quitter. Pour cette raison, l'arrivée des immigrants dans la ville entraîne des changements dans son organisation, la transforme de l'intérieur et la fait évoluer. Il faut donc s'intéresser à l'impact de l'immigration sur l'écologie urbaine. Pour ce faire, l'étude de l'immigration italienne est particulièrement intéressante. D'abord parce qu'elle parcourt la fin du XIXème et l'ensemble du XXème siècle, ensuite parce que les Italiens investissent la plupart des grandes villes américaines et enfin parce qu'ils ont la caractéristique de définir leur identité du point de vue régional plutôt que national (de même que les Allemands d'ailleurs). Pour comprendre l'impact de cette immigration sur la ville américaine, il est nécessaire de rappeler l'histoire de cette immigration sur le territoire. Ce qui nous amène à nous interroger sur son mode d'occupation du territoire urbain avec l'exemple de Chicago, véritable laboratoire sur l'immigration. L'analyse pourra se terminer par l'étude du fonctionnement d'une communauté italienne, celle du North End de Boston, grâce au brillant ouvrage de William Whyte, Street Corner Society.
[...] Ainsi, comme on l'a déjà vu, les immigrants italiens fraîchement arrivés à Chicago occupent l'espace de la zone de transition espace dégradé et abandonné par les anciennes populations. b. La notion de compétition de Park Pour mieux comprendre l'occupation du territoire urbain par les immigrants italiens de Chicago, il faut nous intéresser à la notion de compétition développée par Park. Dans une société d'immigrants, déménager dans un meilleur quartier signifie réussir et s'intégrer dans la société américaine. Mais le statut social peut être compromis par la présence d'individus indésirables dans un bon quartier. [...]
[...] La première génération pratique l'endogamie mais aux Etats-Unis, l'écart se creuse avec la deuxième génération qui trouve des conjoints dans d'autres communautés ethniques et religieuses. Dans ce cadre se mettent en place diverses institutions ethniques. Elles sont d'abord religieuses : c'est l'église catholiques pour les Italiens. Mais le rôle de ces institutions dépasse largement le cadre religieux, elles constituent la colonne vertébrale des communautés locales (François Weil) et en même temps nourrissent la fragmentation ethnique de la ville américaine. En dehors de ces églises, le groupe s'est doté d'institutions de secours mutuel et de sociabilité, d'abord organisées sur la base des lieux d'origine et ensuite ouvertes à tous les nouveaux groupes d'immigrés. [...]
[...] D'après l'analyse de Vecoli, les Italiens n'ont pas formé leurs quartiers sur le modèle proposé par Burgess, mais selon un modèle qui tient compte des origines régionales des immigrés. Ainsi, il n'y a pas une Little Italy mais des Little Italies Avec les chiffres de la répartition par ward des immigrés italiens, on comprend tout de suite qu'il n'y a pas un quartier italien mais plusieurs. Italian Population of Chicago in 1910 by Major Wards of Residence Les paesani originaires de la région de Gènes sont les pionniers de l'immigration italienne à Chicago : ils sont marchands de fruits, pâtissiers ou confiseurs, tenanciers de saloons. [...]
[...] Arraché de sa région natale, l'immigrant comprend que le groupe primaire n'est pas le seul monde possible, et ceci tout particulièrement dans l'univers de la ville où le migrant distingue la pluralité des milieux sociaux existants. Whyte récuse totalement cette notion en ce qui concerne le North End. En effet, au vue des résultats de son étude, il conclut qu'il y a une organisation sociale mais que celle-ci ne correspond pas au modèle dominant de la société américaine (qui est celui de la classe moyenne aisée). [...]
[...] Non seulement les Italiens acceptent des salaires inférieurs, mais ils servent à briser les grèves. Des rumeurs se répandent sur les sociétés secrètes (la Main noire, la Camorra) qui semblent régir les quartiers italiens. c. Des structures claniques Dans les villes américaines, les nouveaux venus apportent une culture et des modes de sociabilité propres. Ce qui caractérise la communauté italienne immigrée, c'est son régionalisme. Comme on l'a vu, ceux qui sont originaires d'une même région (les paesani) se regroupent et colonisent certains quartiers de la ville. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture