En France, la seconde moitié du 20ème siècle a été marquée par un profond bouleversement des styles de vie. Au cœur de ces mutations sociologiques, les goûts et les préférences culturels se sont alors affirmés comme de puissants révélateurs des logiques de classe. Cet état de fait s'est vu amplifié par l'émergence des industries culturelles (cinéma, télévision), venues perturber la vision classique de la stratification sociale des modes de vie.
L'influence de ces industries s'est considérablement accrue au fil du temps, au point d'être comparée à « l'opium du peuple ». Celles-ci n'ont pourtant pas échappé aux critiques. En effet, il est coutume d'avancer l'idée selon laquelle la diffusion de biens culturels de « masse » aurait conduit à une modification des comportements et des modes de participation des individus face à une œuvre d'art. D'aucuns ont alors invoqué la perte de l'aura , cette distance critique par rapport à l'objet présenté. D'autres, à l'instar de Théodore Adorno, ont fustigé la télévision, média qui conduirait irrémédiablement à l'abêtissement et l'aliénation des masses, car fondé sur les instincts grégaires de l'individu. L'idée d'un clivage entre une culture savante « légitime » et une culture de masse « indigne » s'est imposée alors avec d'autant plus de force. Il sera question dans ce devoir d'en comprendre les tenants et les aboutissants.
Puis, l'adoption dans les sociétés industrielles d'un modèle de développement économique fondé sur la massification de la consommation, les évolutions du monde du travail et l'avènement de la société des loisirs ont contribué à affecter l'unité et l'identité des différents groupes sociaux et à engendrer un mouvement d'individualisation des pratiques culturelles. Cela s'est notamment traduit par la montée de l'éclectisme des pratiques culturelles au sein des classes supérieures et par le développement, dans les classes populaires, de phénomènes de segmentation et de replis identitaires.
Ainsi, dans quelle mesure l'appétence pour les biens culturels se révèle être un puissant outil de compréhension de nos sociétés contemporaines ? Autrement dit, que nous enseignent les processus d'élaboration des goûts sur les relations qui unissent les individus d'une même société ?
Les pratiques culturelles ont fréquemment été perçues comme un élément de classement social, contribuant à créer un clivage fondé sur la légitimité culturelle (I). Pourtant les évolutions de la société contemporaine soulignent un affaiblissement des référents sociologiques communément usités (II).
[...] Désormais, les inégalités dans la société française semblent plus soutenues par des formes de domination symbolique, d'autant plus difficiles à éliminer. Bibliographie Revues Francesco Casetti, Roger Odin, De la paléo à la néo-télévision, texte distribué lors de la conférence Philippe Coulangeon, Classes sociales, pratiques culturelles et styles de vie, Le modèle de la distinction est-il (vraiment obsolète) ? In Sociologie et société, volume XXXVI.1 Bernard Lahire, La culture des individus, Les distinctions individuelles La Découverte Dominique Mehl, Le jeu avec le je in Communications Walter Benjamin, L'œuvre d'art à l'ère de la reproductibilité mécanique Veblen, Douglas et Isherwood Philippe Coulangeon, Classes sociales, pratiques culturelles et styles de vie, Le modèle de la distinction est-il (vraiment obsolète) ? [...]
[...] Puis, les goûts et préférences culturelles ne semblent pas seulement déterminés par des logiques d'appartenance de classe. Stuart Hall a montré que, dans nos sociétés, de plus en plus fondées sur la pluralité des appartenances et l'éclatement de l'expérience, la différenciation des goûts s'effectuait notamment sur la base de critères générationnels, ethniques et de genre. Les enquêtes montrent par exemple que dans la plupart des sociétés occidentales, la lecture et la fréquentation des arts savants occupent une place plus importante dans les loisirs des femmes que dans ceux des hommes. [...]
[...] Ainsi, dans quelle mesure l'appétence pour les biens culturels se révèle être un puissant outil de compréhension de nos sociétés contemporaines ? Autrement dit, que nous enseignent les processus d'élaboration des goûts sur les relations qui unissent les individus d'une même société ? Les pratiques culturelles ont fréquemment été perçues comme un élément de classement social, contribuant à créer un clivage fondé sur la légitimité culturelle Pourtant les évolutions de la société contemporaine soulignent un affaiblissement des référents sociologiques communément usités (II). [...]
[...] C'est là toute la complexité des comportements culturels individuels face aux phénomènes de légitimité. Ceux qui se placent du coté élevé perçoivent et stigmatisent forcément les activités culturelles visant le plaisir immédiat et flattant les pulsions comme des entreprises d'aliénation et d'avilissement. Si dans nos sociétés différenciées et hiérarchisées, exister, c'est être ou se sentir différent, alors la culture d'aujourd'hui est un puissant moyen de construire cette différence. Par ailleurs, les évolutions contemporaines ont indéniablement conduit à une démonopolisation de la production culturelle. [...]
[...] Dans celui-ci, l'éminent sociologue met en évidence le lien entre consommation de biens culturels et stratification sociale. Ainsi, les pratiques culturelles disposeraient d'un véritable pouvoir de classement dans la différenciation sociale. Avant d'analyser plus précisément ce schéma, il faut préciser que dans l'analyse de P. Bourdieu, les goûts et les styles de vie en général sont le produit de l'habitus, c'est-à-dire de l'ensemble des dispositions, des schèmes de perception incorporés au cours de la socialisation primaire [qui] reflètent les caractéristiques sociales de son environnement d'origine L'évocation de ce concept ici n'est pas chose anodine : en réactualisant la théorie des classes sociales, P. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture