“Ces murs, ces verrous, ces cellules figuraient toute une entreprise d'orthopédie sociale” écrite Michel Foucault dans son ouvrage majeur Surveiller et punir. Cette phrase associe le phénomène carcéral, propre dans son ampleur et sa nature au grand XIXe siècle et des attitudes sociales, plus larges, mais suivant sensiblement les mêmes logiques. “Surveiller”, c'est-à-dire “examiner”, “contrôler” est ici à mettre en relation, à chaque étape de la réflexion avec “punir”, c'est-à-dire “corriger”, “sanctionner”.
Cette association, nous le verrons, est d'abord appliquée par le système pénitentiaire : c'est d'ailleurs le propos majeur de l'œuvre de Foucault. Mais, de l'architecture des prisons et de l'espace carcéral, on peut déduire des évolutions intellectuelles, culturelles et sociales plus générales, en matière de contrôle et de répression. Notre présentation se concentrera sur la société française en particulier, prise dans la dynamique du grand XIXe siècle, de la Révolution française à l'aube du premier conflit mondial.
Comment la France de l'époque améliore-t-elle à la fois son système répressif et ses méthodes de surveillance, en ayant d'abord recours à la prison, mais en encadrant aussi tous les comportementaux sociaux, et en quoi cela répond-il à de nouvelles logiques de sécurité, de redressement, de réintégration ou d'acquisition de savoir ?
[...] Elle crée ce que Michelle Perrot appelle le froid pénitentiaire c'est- à-dire l'exclusion sociale en vue d'un redressement. L'analyse des règlements intérieurs des Prisons de la Roquette par exemple nous montre que, de 1830 à 1840, toute forme de sociabilité est coupée : classification par sexe, par âge, par durée des peines Bref, on isole toujours plus un détenu pour, selon les termes exacts du directeur de la Roquette : éviter la contagion du vice, ce choléra Plus besoin de bagne donc Tout au long du XIXe siècle, une architecture carcérale de l'isolement et de la surveillance se développe en France. [...]
[...] Cette crise de la répression prend ses sources dans tous les processus déjà cités. Kalifa écrit : dès 1888, le congrès des sociétés savantes avait dénoncé les excès de sentimentalisme qui énervaient la répression Une idée s'installe dans le grand XIXe siècle français qui est celle d'une contradiction entre philosophie pénale et sécurité publique. L'élaboration d'un espace carcéral de réintégration fait dire à Henry Joly en 1896 que la France a remplacé la répression par une sorte d'hospitalisation philanthropique Dans les années 1880, les rivalités entre magistrats et policiers accentuent ce chaos : le préfet Lépine en 1884 affirme que les tribunaux sont inconséquents Ce processus correspond aussi à une pratique répandue dès la moitié du XIXe siècle : la correctionnalisation des crimes. [...]
[...] Enfin, en nous extrayant du cadre des transgressions, nous nous demanderons si la société française du grand XIXe siècle est celle du contrôle, du regard et de la discipline. Punir par l'enfermement, surveiller dans la cellule Parce que c'est le propos du livre de Michel Foucault et la base du système punitif français au XIXe siècle, nous commencerons par traiter l'apparition et l'évolution du phénomène carcéral, avant de nous en affranchir Penser la prison au début du XIXe siècle: du supplice à la pénologie Le tournant des XVIIIe et XIXe siècles est marqué par une mutation absolument essentielle dans la conception de la punition. [...]
[...] "Surveiller et punir Michel Foucault - le système répressif et les méthodes de surveillance en France au XIXe siècle Ces murs, ces verrous, ces cellules figuraient toute une entreprise d'orthopédie sociale écrit Michel Foucault dans son ouvrage majeur Surveiller et punir. Cette phrase associe le phénomène carcéral, propre dans son ampleur et sa nature au grand XIXe siècle et des attitudes sociales, plus larges mais suivant sensiblement les mêmes logiques. Surveiller c'est-à-dire examiner contrôler est ici à mettre en relation, à chaque étape de la réflexion avec punir c'est-à-dire corriger sanctionner Cette association, nous le verrons, est d'abord appliquée par le système pénitentiaire : c'est d'ailleurs le propos majeur de l'œuvre de Foucault. [...]
[...] Elle est d'abord pensée par Bentham, dans son Panoptique : l'idée est de faire une prison où la surveillance est mise en abîme. Le détenu ne peut être vu par le gardien qui le surveille qui ne peut être vu par un gardien qui surveille l'autre gardien. On surveille le puni ! La cellule est ensuite défendue par Tocqueville dans son Système pénitentiaire (1833), qui s'appuie sur les observations faites dans des prisons cellulaires américaines. Le climat intellectuel du premier XIXe siècle est donc celui d'une défense de l'isolement physique du condamné ainsi surveillé. [...]
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