Le Japon est un archipel formé de quatre milliers d'îles qui s'étirent sur environ 3000 kilomètres du sud au nord (soit à peu près la latitude de Cuba à celle de Québec) et qui atteint près de 500 kilomètres de largeur, formant alors un territoire de 377 000 km². La morphologie du Japon engendre ainsi une variété et variabilité climatiques très prononcées.
C'est le matériau brut à partir de quoi s'est élaboré le sentiment des saisons du peuple japonais. Ainsi, la pluie est bien autre chose qu'une précipitation d'eau (forme objective) ; elle est alors inséparable de tout un monde de sensations, d'émotions, d'évocations dont l'enchaînement plus ou moins codifié l'enclave dans un certain paysage. La langue japonaise reflète ces nuances.
On aura alors plus d'une vingtaine de façons de nommer la pluie, chaque mot spécifique à un paysage, à une saison ou à une émotion. Il en sera de même pour nommer les nuages. Ces évocations paysagères peuvent atteindre aux niveaux les plus élaborés de l'esthétique et de la pensée et ne touchent alors plus l'ensemble de la société, même si elles se propagent à un public assez vaste.
Watsuji Tetsurô, dans Fûdo, explique que l'histoire ne prend chair qu'à travers le milieu ; et qu'en se combinant, histoire et milieu structurent l'existence sociale d'un être humain. Il aboutit alors –dans l'exemple du Japon - à une relation causale, à une assimilation mutuelle du climat japonais et du tempérament des Japonais.
La variabilité du climat japonais, associant les extrêmes, expliquerait donc les changements rapides du tempérament des Japonais. Ainsi, le climat serait cause de la « réceptivité et soumission » présents dans leur caractère et du fait qu'ils soient à la fois « actifs et sensibles » et au fond « secrètement tenaces ».
Watsuji, dans son analyse, nous révèle l'importance de la métaphore dans la culture japonaise. La métaphore procède en effet au Japon directement des associations que la culture, à l'épreuve des siècles, a instituées entre les deux domaines (climat/tempérament) : il leur arrive d'utiliser les mêmes expressions pour parler du temps et de l'humeur. La métaphore ne joue pas qu'au niveau des mots, mais à un niveau qu'on pourrait dire cosmologique.
[...] Partie III Chapitre V : Les failles d'où monte la nature 21. L'ascendance de l'idée de nature au Japon L'objet de ce livre est de savoir la façon dont les Japonais vivent leur milieu (naturel/culturel). On posera donc dans cette partie quelques repères pour éclairer ce qui va suivre. En ce qui concerne la langue française, nature dérive du latin natura, naturus, participe futur de naître ; natura traduisait le grec phusis (naître pousser), parent de phuton (plante) et de même racine que les mots latin fecundus, felix (heureux), fetus, de feo (je produis, j'engendre). [...]
[...] Ensemble des citations essentielles reprises : La logique du milieu : la nature est présente la nature représentée ; elle se projette, dans la nature laquelle se projette dans la société. (p52) La métaphore ne joue pas qu'au niveau des mots, mais à un niveau qu'on pourrait dire cosmologique. 56) Ce pays a développé son potentiel territorial selon une dynamique tournée vers l'intérieur [ ] alors qu'il avait les moyens de devenir un empire maritime. 66) Périssent les nations, la nature demeure 85) Là se fonde cette tendance nippone à considérer le naturel comme aboutissement du culturel. [...]
[...] Cela correspond en fait à des facteurs sociaux directs, tels les volontés des maîtres des lieux, des facteurs sociaux indirects (plus ou moins immatériels), tel le respect des usages en matière de jardins, mais aussi à divers cadres mentaux qui orientent et structurent l'expression individuelle. La combinaison de ces divers référentiels engendre la contingence qui permettra l'éclosion de l'œuvre. Cela dit, cette contingence créatrice peut elle-même, dans une certaine mesure, être objectivée par l'homme, qui cherchera donc à la symétriser, à la reproduire. [...]
[...] -James Gibson, quant à lui, dans The ecological approach to visual perception, développe une version écologique du milieu. Selon lui, l'environnement n'est pas le monde physique ; il n'en est qu'un mode, celui que nous percevons. Tout compte fait, son analyse ne nous éclaire point sur les concepts qui désigneraient spécifiquement l'opération par laquelle est transcendée la dichotomie du subjectif et de l'objectif. -C'est ce qu'en revanche ce que Jean-François Augoyard a tenté de faire dans Pas à pas. Il montre en fait que l'expression habitante (où l'imaginaire co-intègre le présent et le possible) instaure un ordre ternaire où, par un ensemble d'opérations rhétoriques (synecdoques, asyndètes, etc.) ou plus générales, elle transcenderait l'objectif et le subjectif. [...]
[...] De ces élaborations, le jardin parle le plus au cœur des Japonais ; probablement parce que sa matérialité semble le plus directement traduire l'environnement naturel. Le jardin met en relief la logique de transposition par laquelle la géomorphologie se traduit en configurations de l'esprit. Les jardins (niwa : simple terrain plan, où l'homme pratique diverses activités profanes ou sacrées) sont en fait la reproduction des lieux sacrés de l'érème dans l'écoumène. Le jardin japonais prend son essor avec la pénétration du modèle chinois. [...]
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