S'il y a bien un sociologue qui pensait que la vie était une comédie en soi, c'était Erving Goffman. Né en 1922 à Manville, petite ville du Canada anglophone, issue d'une famille juive ukrainienne, le jeune Goffman est toujours parti du point de vue que la vie sociale était un théâtre et les individus, des acteurs jouant un rôle qui leur était imparti. Jeune doctorant de l'université de Chicago (sociologie qualitative et de terrain, approche empirique), il est envoyé faire de l'observation participante au sein de la population écossaise des îles Shetland. Après 7 mois d'immersion, en 1953, il soutient sa thèse « Communication in Conduct in an Island Community » où il explique avoir tenté « d'isoler et de fixer les pratiques régulières de ce qu'on appelle l'interaction face à face ». À partir de là, le travail de Goffman sera presque uniquement nourri de cette vision interactionniste de la vie sociale. Or, pourquoi s'intéresser à l'interaction en soi ? Selon les interactionnistes, l'étude des interactions a deux vertus : d'une part, limitées dans le temps et l'espace, elles ont tout de même des répercussions sur les grandes entités sociales que peuvent être la famille, l'État ou encore des entreprises. D'autre part, elles privilégient également l'étude du comportement individuel. Cette « sociologie des circonstances », cet intérêt non pas pour l'individu, mais pour l'interaction, sera explicitée dans ses ouvrages que ce soit dans Asiles (1961), Stigmate (1963) – analyse des hôpitaux psychiatriques et de la situation de handicap.
[...] En 1967, Les rites d'interaction, étude quasi chirurgicale de nos actes quotidiens explique le mécanisme des rencontres face à face. Dans le texte étudié, Goffman analyse une situation précise, celle de l'embarras au cours d'une interaction. Ainsi, nous nous demanderons en quoi l'embarras est-il un rite d'interaction comme un autre même s'il n'est pas perçu comme tel par notre société ? En effet, comment le mécanisme de l'embarras illustre-t-il un processus plus large d'autocontrôle des individus permettant le maintien et la cohésion d'une société ? Plus largement, comment l'interaction s'intègre-t-elle dans un ordre normatif social ? [...]
[...] À travers l'interaction, c'est l'identité comme composante de l'ordre social que Goffman étudie. Pour cela, il choisit différents contextes d'étude, comme les hôpitaux psychiatriques, les casinos ou encore les espaces publics. Pour lui, l'identité est le produit mouvant de chaque interaction C'est-à-dire que contrairement au sens commun, qui définit l'identité comme étant ce qui est propre à chacun, pour Goffman ce ne sont pas les caractéristiques qui définissent l'identité, mais les interactions successives auxquelles l'individu prend part. L'identité est donc une construction, suivant le jeu de l'individu dans l'interaction, jeu délimité par des règles, celle de la face par exemple qui prévaut. [...]
[...] L'identité est donc régie par des règles, par des normes. Cette vision est aussi celle développée dans un sens par Bourdieu, puisque pour lui les individus sont déterminés la position sociale qu'ils occupent, c'est elle qui fixe l'identité. Pour lui, ce déterminisme provient de l'habitus (goûts et aptitudes intériorisés pendant la socialisation, il oriente les comportements et les façons de penser). Mais donc contrairement à Goffman, l'habitus est une identité propre à chaque individu, même s'il est hérité. Pour Goffman et Bourdieu, la socialisation joue donc un grand rôle : pour Bourdieu l'habitus qui permet de construire l'identité est transmis au cours de l'interaction, pour Goffman c'est la socialisation qui permet de faire intégrer et intérioriser les règles de l'interaction. [...]
[...] Senett met en évidence que les rôles qu'endossent ces acteurs sont le fruit d'une histoire qui est tue. Pour lui, l'absence de dimension historique dans le travail de Goffman entrave la possibilité de prendre du recul ; Enfin, Goffman est également critiqué dans le point de vue négatif qu'il adopte face à la sociabilité au détriment d'une vision positive qu'auraient les liens sociaux. Les bénéfices liés au contact avec autrui sont peu abordés dans la mesure où Goffman insiste davantage sur la peur des risques liés à la fausse note durant l'interaction et sur la recherche incessante de l'équilibre rituel. [...]
[...] Il y a donc une distinction entre l'individuel et le collectif. Le travail de la sociologie est alors justifié comme étant celui de l'étude des faits sociaux et des traits qui leur sont propres. C'est Winkin qui va énoncer en premier que Durkheim est une référence pour Goffman. Avec cette approche, Goffman s'intègre à l'interactionnisme symbolique, même s'il refuse cette appartenance, c'est le courant pour lequel la formation du soi se fait quand l'individu prend conscience de lui en se plaçant aux différents points de vue des membres de son groupe Pour Goffman, l'interaction sociale est un véritable niveau de l'ordre social, parce qu'elles ont, comme les autres grandes institutions sociales, des règles communes qui les régissent. [...]
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