Le terme « société » désigne en sociologie un ensemble d'individus qui partagent des normes, des conduites et une culture, et qui interagissent ensembles pour former un groupe ou une communauté. Ainsi, une société semble reposer avant tout sur les individus qui la composent. On peut donc penser que la sociologie est avant tout fondée sur l'étude de l'individu, puisque la société qu'il a bâtie est a priori son reflet. Faut-il alors traiter les faits sociaux comme le simple fruit des individus qui en sont à l'origine ? Pour Durkheim, considéré comme le fondateur de la sociologie moderne, la règle fondamentale de la sociologie est d'étudier les faits sociaux comme des objets indépendants de la conscience. Pour introduire cette thèse, Durkheim utilise une comparaison avec la psychologie, devenant au cours du XIXe siècle une science fondée sur l'objectivité, c'est-à-dire traitant les faits mentaux comme des objets d'étude.
[...] Pour parvenir à la formulation de sa thèse, Durkheim compare dans les lignes 1 à 11 la sociologie à la psychologie et les faits sociaux aux faits mentaux. La première partie du texte s'attache ainsi à démontrer notre incapacité à comprendre les faits de la psychologie individuelle en ayant simplement conscience d'eux, en les étudiant nous-mêmes à travers nous- mêmes, pour conduire à la nécessité de traiter la psychologie comme une science objective, qui traite les faits mentaux comme des objets de science. [...]
[...] En prenant conscience de soi-même, on pourrait donc parvenir à une connaissance macroscopique des groupes d'individus, car ces groupes ne seraient que le reflet de l'individu. Mais cela est sans compter deux obstacles majeurs. Mais, d'abord, la majeure partie des institutions sociales nous sont léguées toutes faites par les générations antérieures ; nous n'avons pris aucune part à leur formation et, par conséquent, ce n'est pas en nous interrogeant que nous pourrons découvrir les causes qui leur ont donné naissance. : En sociologie, une institution désigne une structure sociale ayant une certaine stabilité dans le temps. [...]
[...] Une fois les faits mentaux élucidés, on peut établir des liens avec les faits sociaux qui les ont conduits, et on retombe ainsi sur la nécessité de la sociologie objective. Prenons l'exemple de la mise en œuvre de la Shoah : nous sommes aujourd'hui en mesure d'affirmer que Rudolf Höß, officier SS de l'Allemagne nazie, a joué l'un des plus grands rôles dans la mise en place des camps de concentration et des procédés d'extermination. Mais l'histoire n'a pas été en mesure de nous renseigner sur les véritables motifs de ses actes, ne narrant que le récit d'un homme qui a gravi les échelons pour se rapprocher d'Heinrich Himmler, qui lui confia la responsabilité de l'organisation des procédés de concentration et d'extermination. [...]
[...] La conscience aura donc autant de facilité à étudier les faits sociaux qu'elle en a étudié les lois du monde physique ou du monde du vivant. Traiter les faits sociaux comme des choses n'apparaît donc pas comme une contrainte mais comme la meilleure solution pour fonder la sociologie de manière objective. Afin d'entamer la démonstration de sa thèse, Durkheim utilise une métalepse : il avance un contre argument qu'il s'attachera à réfuter par la suite, dans les lignes 13 à 25 : On objectera que, comme ils sont notre oeuvre, nous n'avons qu'à prendre conscience de nous-mêmes pour savoir ce que nous y avons mis et comment nous les avons formés. [...]
[...] Il montre que bien que nous en soyons la source, il nous est impossible de les comprendre en prenant conscience de nous-mêmes car si nous les héritons des générations précédentes, notre conscience à elle seule ne peut découvrir les véritables causes de leur création et si nous en sommes à l'origine notre conscience ne peut déterminer objectivement les motifs qui nous conduisent à les fonder. Les faits sociaux, une fois considérés de manière autonome, apparaissent alors comme les éléments de mécanismes parfaitement transparents à l'esprit, s'enchaînant dans des relations de causes à effets. On peut alors se demander ce qui reste de la liberté individuelle et du libre arbitre dans une société dont l'avenir semble prédéterminé puisque pris dans un mécanisme parfaitement explicable par la raison. [...]
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