Le problème général ciblé par Hannah Arendt dans Condition de l'Homme moderne est celui de la fin, dans le monde moderne, de la distinction et de la hiérarchie entre le travail, l'œuvre et l'action. Cette absence de distinction et de hiérarchie, au sommet de laquelle est l'action, l'activité politique de débat entre les hommes, est liée à l'émergence et l'avènement du social. Le social semble se résumer dans la modernité à l'activité économique.
[...] La caractéristique première de l'être humain, l'action, au sommet de la hiérarchie des activités humaine de la vita activa, est niée et rejetée dans le monde moderne. L'œuvre et l'action se fondent pour ne former que le travail, et la condition de la vie humaine se réduit au cycle de l'assouvissement des besoins vitaux. Ainsi, la critique de la société de consommation chez Arendt est en fait la critique de la confusion entre le domaine public et celui du travail. [...]
[...] Alors que la modernité devrait conduire à une libération de l'homme qui par une rationalisation et une mécanisation du travail devrait accroitre son temps libre et se consacrer à l'action, activité politique primant sur toutes les autres, l'homme devient en fait esclave. En effet, cette modernisation du travail s'accompagne d'un bouleversement hiérarchique, dans laquelle le travail est glorifié et l'activité politique dirigée par la fin économique alors que dans l'antiquité, la société civile se situait dans le domaine public, celle-ci se limite désormais au social, et donc à la production économique. Le social détruit ainsi à la fois la sphère publique et la sphère privée. En résulte une culture standardisée et produite par l'économie. [...]
[...] La sphère de l'action sociale et politique se limite dès lors à l'économie, et au-delà même de cela, elles lui sont totalement soumises. Ainsi émerge le concept de social, qui n'existait pas dans l'antiquité, et qui est dans le monde moderne limité à la production et l'économie, empêchant toute vie politique indépendante : Ce que nous avons appelé l'avènement du social coïncida historiquement avec la transformation en intérêt public de ce qui était autrefois une affaire individuelle concernant la propriété privée. [...]
[...] De même, on qualifie de social tous les êtres vivants (et non pas seulement les hommes) entretenant des relations avec leurs semblables. Cependant, c'est bien là une caractéristique de l'être humain que d'être un animal social plus social que les autres espèces. Cette caractéristique de sociabilité, ou capacité à être social, est pour Arendt la caractéristique propre à l'être humain, développée par le langage et la parole. La communication est ainsi la base même de toute activité sociale, et découle de la condition de pluralité des hommes entre eux (pluralité ne signifiant pas inégalité, mais différences au sein de l'égalité) : La pluralité humaine, condition fondamentale de l'action et de la parole, a le double caractère de l'égalité et de la distinction. [...]
[...] Il s'agit de considérer la durée de vie d'un produit : un pain n'a pas la même durée de vie qu'une table. Ainsi, les objets tangibles les moins durables sont ceux dont a besoin le processus vital. Leur consommation survit à peine à l'acte qui les produit (ibid, page 141). L'évolution historique du concept économique se fait donc par un transfert du domaine du privé, le foyer, au domaine public. Ce transfert donne naissance au domaine du social, se confondant avec l'économie. [...]
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