Dans "Le mouvement ouvrier" (1984), F. Dubet, A. Touraine et M. Wieviorka, énoncent que « son rôle [celui du syndicalisme] n'est pas fini, mais l'histoire du mouvement ouvrier s'achève ». Ainsi, il apparaît que la classe ouvrière, qui a marqué l'histoire du XIXe siècle par l'importance des conflits sociaux dont elle était porteuse (notamment avec la révolte des Canuts lyonnais en 1831), est en train de disparaître. En effet, les mutations du travail et de l'emploi à partir milieu des années 1970 et en particulier le déclin des « forteresses ouvrières » semblent avoir nettement fragilisé ce groupe social.
Si on constate l'effritement de cette classe en tant que collectif structuré par une position spécifique dans le système de production (classe en soi), mais aussi la réduction de sa capacité d'action et de mobilisation (classe pour soi), on peut alors se demander quelle est la pertinence de la notion de classe ouvrière.
On verra ainsi qu'on constate un déclin des ouvriers, mais qu'il paraît plus intéressant de parler de recomposition du groupe.
[...] Il ne faut cependant pas minimiser le déclin des ouvriers, qui est réel, même s'il reste le second groupe social derrière les ouvriers. La transformation de l'offre et de la demande permet d'offrir une explication au déclin numérique des ouvriers. Ainsi, dans le domaine de la production, on a assisté à une transformation de l'offre : Avec l'accélération du progrès technique et la substitution du capital au travail, on a assisté à la destruction d'emplois peu ou pas qualifiés. Là où le fordisme et le taylorisme avaient instauré le travail à la chaîne, avec la création du tapis roulant, la division du travail ; la robotisation, par exemple dans l'industrie automobile supprime les emplois des ouvriers, devenus obsolètes face aux gains de productivité que représente la machine. [...]
[...] Cette pression sur les travailleurs était déjà décrite par K. Marx dans Le capital (1867) quand il parlait d'« armée industrielle de réserve De plus, si le vote pour le PCF a très fortement diminué, on constate une hausse du vote pour le Front National chez les ouvriers (élections de 2002 : plus de 20% des voix pour le FN). On discrimine ainsi un vote bourgeois (gauche et droite centriste) d'un vote populaire plus critique, voire radical. On constate donc qu'il y a une recomposition de la conscience de classe, dans le sens où le groupe a une existence objective, et qu'il se mobilise dans la vie politique, cependant d'une manière beaucoup plus faible. [...]
[...] On voit ainsi que la conscience de classe est complètement remise en cause (Alain Touraine, La conscience ouvrière, 1968), car les actions de la classe sont devenues quasi-inexistantes. On voit donc que la classe ouvrière, en tant que classe en soi et classe pour soi, est bien en déclin, elle manque aujourd'hui de visibilité dans la société française, le nombre d'ouvriers ayant baissé durant les Trente Glorieuses au profit d'un nombre croissant d'employés. Cependant, le terme de classe ouvrière est toujours pertinent, en cela que le groupe est en recomposition, et de ce fait existe toujours. [...]
[...] Le déclin des ouvriers, s'il se constate numériquement, a aussi une réalité dans la perte du sens de la notion de classe au sens de K. Marx. Le déclin des ouvriers se constate dans les statistiques et a plusieurs explications. Après avoir doublé entre 1945 et 1975, les effectifs ouvriers s'orientent à la baisse relative puis absolue, et se voient dépassés au cours des premières années 1990 par le nombre des employés qui lui n'a cessé de croître. Le pourcentage des ouvriers dans la société française est ainsi passé sous la barre des tandis que le groupe des employés l'a dépassée. [...]
[...] Durant les Trente Glorieuses on a vu le processus de moyennisation de la société se développer fortement et donc mener à la réduction des inégalités. Ainsi, les écarts de niveau de vie et de mode de vie se sont réduits entre les ouvriers et le reste de la population durant la période, et l'accès à l'éducation des classes populaires a permis l'ascension sociale des enfants d'ouvriers (Goldthorpe, Les ouvriers de l'abondance, 1968). On a donc d'un côté, des ouvriers qui ne se sentent plus membres de la classe ouvrière mais des classes moyennes, ou plutôt d'une constellation centrale au sens d'Henri Mendras, et de l'autre côté, des enfants d'ouvriers qui ont honte du monde d'où ils viennent (Olivier Schwartz, Le monde des ouvriers mais aussi Annie Ernaux, qui montre dans ses livres à quel point ses origines populaires lui ont pesé et lui ont fait honte : Ce qu'ils disent ou rien La place, 1984). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture