Dans les premiers temps de sa carrière intellectuelle, Durkheim ne se préoccupe pas spécifiquement de la « sociologie », mais entend étudier scientifiquement « les phénomènes moraux » à l'aide d'une « physique des mœurs ». Un projet avorté comme en témoigne la rédaction inachevé de son dernier ouvrage lui tenant particulièrement à cœur : « La morale ».
Paradoxe d'un auteur rêvant de fonder une physique des mœurs, et qui participa en fait, à la fondation institutionnelle de la sociologie. Gurvitch le compare à une sorte de Christophe Colomb qui « a cherché la voie des Indes, mais à découvert l'Amérique », prenant la forme d'une vocation moralisatrice. Aujourd'hui relire les textes de Durkheim traitant de la notion de morale, mous semble présenter au moins un double intérêt : réintégrer les faits moraux comme objet sociologique ; mieux comprendre les fondements et enjeux de l'approche durkheimienne.
Durkheim constate l'insuffisance des méthodes mises en œuvre habituellement par les moralistes : d'ordinaire pour savoir si un fait est moral ou non, on le confronte avec des formules générales (des lois) or, « la manière dont elles sont construites suffit pour nous assurer qu'elles ne peuvent être que des vues subjectives et plus ou moins approchés ». Il propose de substituer à ces vues subjectives une posture intellectuelle qui cherche à les connaître et les comprendre scientifiquement. Seule « une physique des mœurs », une science d'étude et de réforme des règles morales, permettrait de répondre à ces exigences.
Comprendre Durkheim c'est analyser son œuvre, en s'intéressant avant tout sur ces préoccupations. En effet, Durkheim retint de Spencer et de Comte le modèle d'une recherche sur les lois guidant l'évolution des sociétés. De Comte, il conserva la préoccupation de constituer la sociologie en une discipline autonome, ayant son champ d'application propre. De Renouvier, il hérita l'idée de faire de la morale une science positive.
[...] De plus, l'exemple du suicide permettra à Durkheim d'étayer sa thèse des faits sociaux. En effet, dans un premier temps, Durkheim élimine les facteurs extrasociaux : les psychopathies, la race, l'hérédité psychobiologique, les facteurs géographiques et climatiques, l'imitation. Dans un second temps, il inaugure l'analyse multivariée en proposant d'étudier les variations concomitantes et séries ordonnées de phénomènes, et montre que les chiffres du suicide sont fonction des milieux sociaux. Ainsi, pour déterminer si la croissance du taux de suicide résulte ou non de celle du degré d'instruction, il introduit une variable intermédiaire, la religion : l'affaiblissement des communautés confessionnelles renforce à la fois le besoin de savoir et le penchant au suicide Durkheim nous permet dans cet exemple de mettre en avant l'explication selon laquelle un fait social doit toujours être recherché dans un autre fait social. [...]
[...] De plus, représentations et pratiques collectives débordent l'individu par leur nombre, parce qu'elles lui préexistent, mais aussi par leur ascendant, leur autorité morale. Dans la division du travail social, Durkheim va dégager les formes de la solidarité sociale en leur substituant celles du droit, repérables et analysables par le biais des sanctions qui y prédominent. La généralité ou la fréquence d'un ordre de phénomènes, la contrainte qu'ils exercent peuvent servir d'indicateurs mais n'en donnent ni définition ni explication. Un fait n'est général et contraignant que parce que social, et non l'inverse. [...]
[...] Son projet impliquait, en effet, que la fondation de cette nouvelle science fut le fruit d'un travail collectif où chacun des membres de l'équipe se spécialiserait dans une branche du savoir à constituer et ferait valoir le point de vue sociologique dans les disciplines ou les domaines d'étude existant déjà. En faisant de la sociologie une discipline autonome, Durkheim a également ouvert la voie à un courant de pensée distinct des traditions Marxiste ou Wébérienne. Il a inauguré une méthode de recherche qualifiée de quantitative qui se voulait basée sur des enquêtes statistiques. Méthodes, aujourd'hui privilégie par l'école de Chicago. [...]
[...] Elle intervient également lorsque l'opposition se développe entre ceux qui apportent le capital et ceux qui fournissent le travail. Durkheim parle alors d'une situation d'anomie. Pour lui, l'individu doit sentir qu'il est lié aux autres sous peine de s'adonner à des désirs illimités qui menaceraient la solidarité sociale. Sa vision s'oppose donc a celle de la lutte des classes de Marx. C'est donc l'absence de règles entre les acteurs qui empêchent la solidarité, un corps de règle devrait au contraire surgir spontanément entre ceux-ci. [...]
[...] De surcroît, toute société est un ensemble de faits moraux une combinaison sui generis d'institutions. Par institution, Durkheim désigne toute forme organisée (famille, éducation, justice) accomplissant une fin sociale, une fonction, que le critère d'utilité ne définit ni n'explique : en effet, l'organe est indépendant de la fonction car les causes qui le font être sont indépendantes des fins qu'il sert L'analyse fonctionnelle de Durkheim implique que si l'intrication des groupes, l'interdépendance constante des institutions spécifient le social, tout, dans une société, ne relève pas de la fonction. [...]
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