commentaire de texte, Mesurer la délinquance, Philippe Robert, Renée Zauberman, délinquant, petites infractions, stigmatisation sociale, victimation, délinquance
La mesure et les chiffres de la délinquance sont des sujets éminemment politiques : ils peuvent faire et défaire la carrière d'un commissaire de police, justifier ou invalider un dispositif pénal, louer ou disqualifier l'efficacité de la police et de la justice, être une pierre de touche pour construire ou déconstruire un programme politique en temps d'élection... Face à de tels enjeux, nombreuses sont les tentations de les manipuler, de sélectionner ceux qui servent et d'écarter ceux qui desservent, que ce soit en jouant sur les unités de mesure, l'interprétation des séries de statistiques ou le mode de collecte des données. À l'heure où le sentiment d'insécurité est croissant, et où le sujet de la délinquance est à la fois le vecteur de bon nombre d'anxiétés sociales et le prisme par lequel beaucoup envisagent les rapports entre des groupes sociaux de plus en plus fragmentés et inégalitaires, la nécessité d'avoir une compréhension quantitative de la délinquance apparaît, dès lors, d'autant plus pressante. C'est pour cette raison qu'il faut louer l'initiative de Robert et Zauberman dont le travail consiste à confronter les différentes études et leurs méthodologies afin de mettre de l'ordre parmi leurs contradictions et disparités apparentes. Cet ouvrage, sous-tendu de part en part par l'interrogation « que peut-on légitimement conclure de ces faits ? », replace au centre des débats sur la délinquance une exigence souvent laissée pour compte : celle de la scientificité.
[...] En effet, comme il a été rappelé plus haut, ce que Robert et Zauberman mesurent est en réalité la « délinquance pour un groupe donné ». Prenons pour principe que ce groupe soit la population française[8]. L'étude effectuée par les deux auteurs porterait donc sur que les Français considèrent comme étant de la délinquance ». Mais, définir ce qu'est une telle « délinquance » nécessite préalablement la délimitation d'un seuil de performativité à partir duquel on postule qu'il est possible de parler de la délinquance » pour ensuite pouvoir la mesurer. [...]
[...] En définitive, la mesure de délinquance » telle qu'effectuée par Robert et Zauberman nécessite une première étape importante : celle de sa définition précise sans laquelle l'interprétation des différentes données reste difficile et contestable. Alors que certaines infractions peuvent éventuellement se comprendre intuitivement comme étant de délinquance pour le peuple français » comme le viol ou les violences physiques[11], d'autres comme celles de la consommation de cannabis nécessitent un tel travail préalable. Pour un répertoire de certains organismes mesurant la délinquance : Philippe Robert et Renée Zauberman, Mesurer la délinquance, Paris, Presse de Sciences Po et 52) Nous mettrons donc ces termes entre guillemets afin de retranscrire le caractère politique des termes « délinquants » et « délinquance » Ibid (p.58) Ibid (p.86-87) Notons, par ailleurs ici qu'il est difficile de comprendre ce que constituent les « infractions » et les « procédures » (est-ce le nombre de plaintes enregistrées, de main-courante, d'infractions alléguées ou enregistrées ?) J.L. [...]
[...] Mesurer la délinquance Philippe Robert, Renée Zauberman Philippe Robert, Renée Zauberman, Mesurer la délinquance, Paris, Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.), Bibliothèque du citoyen » pages. De quelle délinquance parle-t-on ? La mesure et les chiffres de la délinquance sont des sujets éminemment politiques : ils peuvent faire et défaire la carrière d'un commissaire de police, justifier ou invalider un dispositif pénal, louer ou disqualifier l'efficacité de la police et de la justice, être une pierre de touche pour construire ou déconstruire un programme politique en temps d'élection Face à de tels enjeux, nombreuses sont les tentations de les manipuler, de sélectionner ceux qui servent et d'écarter ceux qui desservent, que ce soit en jouant sur les unités de mesure, l'interprétation des séries de statistiques ou le mode de collecte des données. [...]
[...] Ainsi, à strictement parler, dans le système juridique français, la seule personne habilitée à rendre effectif l'énoncé est une infraction » est le juge, ce que reconnaissent explicitement les auteurs lorsque ceux-ci, parlant de l'opération de qualification juridique, relèvent droit revêt le juge du pouvoir de procéder à cette opération ». En amont de celle-ci, plusieurs acteurs procèdent à la même opération de qualification, mais, à défaut d'avoir la compétence d'un juge, sa performativité ne peut être, en soi, réalisée[7]. D'un point de vue purement dogmatique, on ne pourrait pas parler de « délinquance » (ni mesurer la « délinquance ») qui ne soit pas préalablement qualifiée comme telle par un juge. [...]
[...] Austin, Quand dire, c'est faire, Paris, Éditions du Seuil (p.56) Philippe Robert et Renée Zauberman, Mesurer la délinquance, Paris, Presse de Sciences Po (p.58) Ce postulat nécessiterait d'être étayé notamment pour déterminer si l'opinion du « peuple français » peut être approchée par la mesure des opérations de qualification effectuées par des groupes particuliers (il conviendrait que ceux-ci puissent être représentatifs du français). Ibid. (pp à 74) Ibid. (p. 73) Il est ici possible de placer le seuil de performativité de délinquance » au niveau des victimes ou des auteurs dès lors qu'il est fortement probable qu'un juge effectue la même qualification. [...]
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