Quand nous nous posons la question de l'évolution des organisations du travail, nous nous attachons volontiers au mode taylorien et à la grande entreprise industrielle. Cependant, poser cette question en ces termes évacue un ensemble assez vaste d'acteurs et d'organisations. L'extrait étudié participe à la reconsidération de l'évolution des organisations du secteur des services. L'extrait est tiré de « Les centres d'appels téléphoniques : une certaine idée du service au client » de Mathieu Amiech, paru dans Le travail nous est compté sous la direction de Danièle Linhart et Aimée Moutet en 2005.
L'ouvrage, appuyé sur des enquêtes sur le travail, comprend deux parties. La première étudie la construction et la déconstruction des normes temporelles du travail, et les phases de transition (notamment dans l'industrie française et dans l'ex-bloc socialiste). La seconde est consacrée aux exacerbations actuelles des contradictions autour des enjeux de qualité et de productivité, dans des secteurs aussi divers que les abattoirs, les hôpitaux, la restauration rapide, les CAF et les banques ou encore les centres d'appels. L'auteur montre dans cet extrait comment des centres d'appels peuvent subir une contrainte industrielle et bureaucratique croissante (Valeyre), à savoir une formalisation accrue des prestations de services qu'ils fournissent, notamment en termes de qualité.
L'extrait renvoie ainsi à la question de la cohabitation entre prestation de service et rationalisation. En quoi et comment « l'exigence de rentabilité » implique la formalisation de la prestation de service des centres d'appels observés ? De quelle manière la standardisation de la prestation de service de ces centres d'appels induit la normalisation de la relation de service qui en découle ?
[...] Le respect à la lettre du script induit le respect des normes temporelles (l. c'est-à-dire qu'il garantit aux clients un temps d'attente minimum. Or, d'après les informations fournies par l'extrait, c'est sur ce seul critère que les gestionnaires de ces plateaux mesurent la qualité de la prestation de service produite par leurs téléacteurs. Des téléopérateurs compétents et appréciés seront alors des téléacteurs assez directifs [capables] de diriger la conversation, de ne pas se laisser déborder par le client (l. 88). [...]
[...] Ces exigences, contradictoire entre elles, entrent aussi en contradiction avec la relation de service induit par la prestation de ces organisations. Les attributs de la relation de service passent alors au second plan dans l'organisation du travail de ces centres d'appel, à savoir les propriétés d'interaction et de coproduction de la relation de service A. Limitation et normalisation de l'interaction Les contraintes industrielles et bureaucratiques sont de diverses formes. Elles peuvent être des normes de production horaire ou quotidienne, la cadence automatique des machines (ici le script et l'ordinateur) ou encore le déplacement automatiser des produits (ici, l'arrivée des appels au poste du téléopérateur). [...]
[...] Organisation bureaucratique et application des principes tayloriens de l'organisation du travail limitent donc l'expression de l'aspect coproductif de la relation de service par la normalisation de l'échange entre téléopérateur et client. Ainsi, c'est parce que la technologie le permet que la prestation de service de ces centres d'appels observés soit rationalisable et rationalisée au point d'en induire une relation de service minimale et normalisée. La relation de service est ainsi négligée au profit de la qualité de la prestation, entendue comme temps d'attente pour le client, et de la productivité, c'est-à-dire le traitement d'un maximum d'appel en un minimum de temps. [...]
[...] Même en l'absence de script, la prestation tend à être uniformisée et impersonnelle. L'existence de répertoires de cas standard qui sont souvent mis à la disposition des téléopérateurs (l. 32) permet le recensement de différent cas auxquels sont associées des procédures standard (l. 37). La prescription de la prestation de service, par le biais de script ou de répertoire de cas standards permet l'identification des tâches spécifiques à la fonction de téléopérateur. La fonction est dès lors dissociée de la personne qui l'occupe, d'où la garantie de la non-appropriation de la fonction. [...]
[...] Nous retrouvons dans cet extrait, non pas l'ensemble de ces principes, mais ceux permettant aux centres d'appels d'uniformiser leur prestation de service. En effet, l'instauration des scripts cumule l'avantage d'instaurer des règles abstraites applicables à tous, de créer et d'entretenir des relations impersonnelles entre téléopérateurs et clients, et de garantir une séparation stricte entre la fonction et la personne. Ces scripts sont plus contraignants, quand ils sont inscrits dans un logiciel (l. et permettent donc d'autant plus l'anonymat, l'impersonnalité de la prestation [qui sont] au principe même du dispositif centre d'appel (l. [...]
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