Jean François Bayart, chercheur au CNRS et maître de conférence à la Sorbonne est connu pour avoir largement contribué à renouveler l'étude de la formation de l'état en Afrique et dans d'autres sociétés dites « dominées ». Il s'insurge notamment contre les présupposés culturalistes et téléologiques qui ne verraient simplement dans ces sociétés que des sociétés « en retard » par rapport à la modernité occidentale et à son État légal rationnel, État qui serait en quelque sorte le modèle absolu et intangible vers lequel devrait tendre toute société politique.
[...] En d'autres termes, la subjectivation c'est la manière dont l'individu se perçoit (comme il est ainsi que comme il devrait être) et perçoit la société (de la même façon, comme elle est et comme elle devrait être). La subjectivation contribue à former l'économie morale de la cité évoquée précédemment autant qu'elle découle de cette dernière. Par exemple, dans les sociétés « modernes » on attend, consciemment ou inconsciemment, des qualités subjectives de la part des hommes politiques. Il faut qu'ils soient conformes à l'idée que l'on s'en fait et de ce fait, eux mêmes tentent de s'y conformer. [...]
[...] La musique country été sensée représenter la saine vie de la campagne. Or il se trouve que la plupart des artistes était des alcooliques notoires bien loin des mœurs prônée par ce courant et que, de surcroit, ils venaient pour la plupart des villes du Sud. On voit donc ici que l'invention de la tradition de la country est une façon de s'adapter et d'appréhender la modernité mais que cette tradition est elle même une expression de la modernité (artistes citadins aux mœurs dissolues). [...]
[...] Ainsi, Jean François Bayart cite l'exemple de l'énonciation du politique sur le mode de la parenté qui peut regrouper des réalités très différentes. En URSS, l'idée que Staline était le « petit père des peuples » correspond à un imaginaire « totalitaire » de l'état : le père dirige l'état comme sa famille et a un pouvoir d'autorité et de coercition sur tous ses membres individuellement. Au contraire, lorsque Paul Biya, dit, au Cameroun, qu'il est le « père de toute la nation », on peut y voir une hybridation avec le registre religieux de dieu, « père de tous les hommes ». [...]
[...] Pour finir, une seule « critique », éminemment subjective, me semble pouvoir être faite à l'ouvrage de Jean François Bayart. Bien qu'il explique rapidement comment ces « illusions identitaires » et ces imaginaires politiques et sociaux peuvent rentrer dans une logique d'affrontement, voire de destruction totale de l'altérité, il me semble passer trop rapidement sur ces processus menant aux conflits identitaires, laissant ainsi une relative interrogation quant au passage de l'imaginaire et de la subjectivation politique d'un rapport d'appartenance aux semblables à un rapport d'exclusion des dissemblables. [...]
[...] Mais la plupart du temps, l'extraversion n'est pas un simple emprunt, elle s'accompagne d'un transfert de sens, une réinterprétation créatrice. Dans le cas de l'Amérique du Sud, de nombreux cultes antéchrétiens se sont retrouvés dans les pratiques catholiques et ont ainsi fait vivre en même temps les deux aspects d'une même pratique. Par exemple, le culte des saints a permis aux indiens d'assimiler certains des saints chrétiens à leurs anciennes divinités. Coexistaient ainsi, au sein de la religion chrétienne pratiquée par les indiens, deux pratiques religieuses historiquement différenciées. [...]
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